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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 20:35

Dans la série "une rivière, un pêcheur", j'ai souhaité ce mois ci vous présenter quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'admiration et d'estime : Jean-Luc CAZAUX, appelé aussi JLC. Ce n'est pas une surprise qu'il nous décrive ici l'Adour. Véritable amoureux de "sa" rivière, Jean-Luc la protège comme ses fils.

Technicien rivière, Président de l'AAPPMA de la Gaule Bigourdane (Bagnères-de-Bigorre), 2ème Vice-Président de la Fédération des Hautes-Pyrénées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, Jean-Luc CAZAUX est impliqué de façon importante dans le monde halieutique associatif et professionnel. Je pense sincèrement que si l'Adour est si belle aujourd'hui, c'est avant tout grâce à lui. Son implication de tous les instants, ses compétences et connaissances, ses projets, ces luttes incessantes pour la protection de la rivière, sauvent quotidiennement l'Adour des agressions qu'elle aurait pu subir.



Jean-Luc doit beaucoup à l'Adour mais l'Adour doit énormément à Jean-Luc CAZAUX.


L'Adour, rivière chère à Jean-Luc CAZAUX



Monsieur CAZAUX, c'est à vous :

JLC :
Je m'appelle Jean-Luc CAZAUX, j'ai 48 ans et je suis Technicien Rivière. J'habite à Bagnères-de-Bigorre, lieu idéal pour mes loisirs que sont la pêche, la montagne et la photo. J'ai choisi de présenter l'Adour ou plutôt les Adours.

L'Adour est un des cinq plus grands fleuves de France. Dans sa partie amont, on trouve les Adours :

- l'Adour du Garret descend du pied du col du Bastan en passant par les lacs de la Hourquette, se mélange avec les eaux du lac d'Arrédoun, passe par le lac de Campana, Gréziolle et Caderolle puis forme de magnifiques cascades.


L'Adour du Garret


- l'Adour du Tourmalet, un peu tristounet avec sa traversée sous la station de ski de la Mongie,
- l'Adour d'Arrize, rapide comme l'éclair.

Les trois réunies forment l'Adour de Gripp, royaume de la fée électricité, tout comme l'Adour de Payolle qui rejoint l'Adour de Gripp à Sainte Marie de Campan.


L'Adour de Payolle, amputée par l'hydroélectricité

Sans oublier bien sûr un peu plus en aval, l'Adour de Lesponne, rivière encore naturelle qui est pour moi une référence. Bien sûr la pêche y est capricieuse, mais le milieu est tellement beau. Il arrive quelques fois de ne pas toucher un poisson sur deux sortie et la fois suivante du poisson partout. Aller savoir.

Toutes ces sources du domaine piscicole où règne dame fario est pour moi une raison de vivre.

Chaque année qui passe, je découvre de nouveaux paysages de ce fleuve torrentueux. J'ai la chance de pouvoir lui rendre visite souvent grâce à ma situation professionnelle. C'est un peu mon jardin. Si la partie entre Bagnères et Montagaillard n'a plus de secret pour moi (je connais le moindre méandre, courant, je dirai presque chaque bloc), l'Adour est cependant un torrent capricieux et les cailloux bougent beaucoup.


L'Adour entre Bagnères-de-Bigorre et Montgaillard

Je pourrai en parler sans arrêt de cette belle rivière, pardon, fleuve mais d'autres personnes l'ont déjà fait presque pour moi. J'ai eu le bonheur de rencontrer deux écrivains, qui m'ont demandé de les emmener et de leur faire visiter les sources de ce fleuve. Ils en ont fait chacun un ouvrage que je vous conseille fortement de lire si ce n'est pas déjà fait.

"Parlez-moi d'Adour" de Michel CARDOZZE et Jean-Bernard LAFFITTE.
"L'Adour de source en embouchure" de Jean-François HAMON.

J'ai la chance d'avoir un exemplaire dédicacé de ce dernier avec ces quelques mots :

"A Jean-Luc CAZAUX en partage de la volonté de valoriser ce fleuve"

ça donne chaud au coeur et envie d'aller plus loin.


L'Adour sous l'oeuil protecteur du Pic du Midi de Bigorre


nicolas65 : Jean-Luc, comment as-tu attrapé le virus de la pêche?

JLC : Dès l'âge de 10 ans, pour aller à l'école, je devais passer par le Pont de l'Adour. A cette époque il était rare qu'un pêcheur ne soit pas en action sur ce pont. A force de poser des questions à deux d'entre eux (Jésus SANS et Jean-Pierre TARRISAN) vieux pêcheurs de Bagnères, ils m'ont pris sous leurs ailes et m'ont offert ma première canne à pêche, ça y est le virus est pris et depuis n'a jamais guéri.

De cette époque, il me reste deux souvenirs inoubliables. Mes deux professeurs faisaient toujours en sorte d'être à proximité du pont au moment de la sortie des classes en fin d'après-midi. L'un des deux avait une deuxième canne à pêche en bandoulière pour moi. Ainsi je pouvais mettre un ou deux coups ligne après les cours.

L'autre souvenir qui va avec le premier, c'est que si les coups de lignes duraient trop longtemps, je voyais ma mère arriver sur le pont avec le redoutable martinet du père fouettard. Heureusement que de temps en temps, la vue de belles mouchetées mit la situation favorable en ma personne.


Jean-Luc sur un bras de l'Adour


nicolas65 : Tu pêches indifféremment au toc et à la mouche. Ces techniques sont-elles vraiment différentes l'une de l'autre ?

JLC : Oui et non. Je m'explique. La pêche au toc et à la nymphe au fil sont proches l'une de l'autre au niveau de la recherche du poisson et de la prospection des postes. Par contre la pêche en sèche demande une observation et une approche plus rigoureuse des postes. Elle demande également une bonne lecture de la rivière. Bien sûr il reste le côté visuel et personnellement je prends plus de plaisir sur un poisson pris en sèche avec une mouche que l'on a conçu soit même. Quel plaisir et quelle joie de berner un poisson que l'on voit gober ou qui nous surprend quand on pêche l'eau par absence de gobage.

Pour autant, je prends également plaisir à la pêche au toc qui reste ma technique de départ. Mais de nos jours la pêche au toc n'est plus la même qu'à l'époque de mes débuts. La technique a nettement changé. Je le vois quand je rencontre un pêcheur qui me dit sur un ton râleur "je n'ai rien touché, il n'y a plus rien". En jetant un coup d'oeil rapide sur sa ligne et son montage, souvent on comprend.


Pêche au toc sur l'Adour .. et record pour JLC : une fario de 69 cm !

nicolas65 : Quelles sont tes rivières favorites pour le toc et pour la mouche ?

JLC : Si je devais toutes les citer, on n'en finirait pas alors comme je suis un peu chauvin :
Pour le toc, bien sûr mes Adours mais également tous ses affluents. J'aime aussi partir sur les petits ruisseaux de montagne à une ou deux heures de marche, pour la solitude et le plaisir des yeux.

Pour la mouche, c'est sans aucun doute l'Arros. Cette rivière est magnifique et pleine de surprise pour cette technique. Je ne regrette qu'une chose, qu'elle ne soit pas sur mon territoire ! Je pêche aussi à la mouche l'Adour entre Bagnères et Tarbes.

Et bien entendu, j'aime partir quand je le peux sur les rivières des vallées pyrénéennes voisines, Gaves et Neste. Mais là, j'emmène le matériel des deux techniques.


Remise à l'eau du poisson, il les bichonne JLC "ses" truites !

nicolas65 : Tu dois partir sur une île déserte où coulent de nombreuses rivières. Tu ne dois emporter avec ton fouet que 3 mouches. Lesquelles pends-tu ?

JLC : Les trois plus simples, grâce auxquelles j'ai souvent évité la bredouille. Un palmer tricolore ou bicolore. Un sedge émergent. Une éphémère grise à corps jaune.

  
Mouches de JLC : sedge émergent, palmer tricolore, éphémère grise à corps jaune

nicolas65 : Quel est le poisson qui t'a donné le plus de plaisir et à quelle occasion ?

JLC : Chaque beau poisson que je prends me donne beaucoup de plaisir et d'émotion. Bien sûr il y en a un qui marque plus que les autres. En ce qui me concerne, c'est un que je n'ai pas eu mais qui m'a fait participer à un combat exceptionnel. C'était en lac de montagne, sur le secteur de Caderolle, en pêchant au vairon manié : une truite énorme et une bataille de plusieurs minutes qui semblait une éternité. Je ne l'ai vu que peu de temps mais je vous assure que cela suffit à faire jouer des castagnettes à vos genoux et vous faire perdre pendant un court moment toute synchronisation de mouvement.


Truite magnifique de l'Adour


nicolas65 : Tu es Président de La Gaule Bigourdane. Depuis combien de temps et pourquoi t'investis-tu dans l'AAPPMA de Bagnères-de-Bigorre ?

JLC : J'ai pris la Présidence de l'APPMA le 14 novembre 2005. J'ai considéré que cela était pour moi une obligation ou plutôt un devoir. J'ai rejoint l'AAPPMA à l'âge de 16 ans (il y a 32 ans) qui à l'époque correspondait avec la prise du permis complet aujourd'hui devenu carte majeur. A 21 ans, je suis assermenté garde particulier de l'association jusqu'à la prise de la Présidence.

Ensuite, les années 2001 à 2005 n'ont pas été très bonnes pour notre association : démission de président, remplacement pas nécessairement en faveur de notre AAPPMA, démission des membres du bureau les uns après les autres. Le déclin arrivait à grands pas. Je ne pouvais accepter et laisser faire cela. Je dois beaucoup à cette AAPPMA. C'est grâce à elle qu'aujourd'hui je suis en poste comme Technicien Rivière au sein de la Communauté de Communes de la Haute-Bigorre.


Jean-Luc, technicien rivière, sensibilise aussi les jeunes à la flore et faune aquatiques

Voilà mon choix est fait, je démissionne de la garderie particulière après 21 ans de service car on ne peut être juge et partie. Je prend la Présidence par intérim de 2006 à 2008. Puis je suis candidat et élu Président en 2008 lors des dernières élections.

En parallèle, avec l'accord de mon conseil d'administration de l'AAPPMA, je présente ma candidature à l'élection du conseil d'administration de la Fédération Départemental pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique au sein de laquelle je suis élu en tant que 2ème Vice-Président fédéral, responsable de la garderie fédérale, membre de la commission animation communication et membre de la commission Adour. J'ai ainsi attrapé un deuxième virus "gestion du loisir pêche et protection du milieu aquatique". Certain de mes collègues disent que quand je prendrai ma retraite, j'aurai les pieds palmés !

nicolas65 : Je sais que tu ne comptes pas le temps passé à ton investissement dans le monde halieutique associatif, mais pourrais-tu nous donner une estimation du temps que tu consacres à tes responsabilités au sein de l'AAPPMA et de la Fédération des Hautes-Pyrénées ?

JLC : Beaucoup. Le temps de la gestion prend le dessus sur le temps de la pratique. Si on veut qu'une AAPPMA fonctionne et évolue, il faut s'en occuper toute l'année. Il ne suffit pas de donner un grand coup avant l'ouverture pour se donner bonne figure. Il est loin le temps où le plus grand travail d'une association de pêche se limitait au déversement de truites surdensitaires et autres. Maintenant, de par ses statuts et son appellation, elle se doit de mener des actions de valorisation et de protection.


Jean-Luc et l'AAPPMA de la Gaule Bigourdane travaillent à la remise en eau du Canal de l'Oussouet


Désormais, avec mes responsabilités au niveau départemental, le temps est doublé, donc là aussi un choix à faire. Le temps de pratique, maintenant je le consacre à ma famille.

En moyenne, j'arrive à faire une douzaine de sortie entre le mois de mars et octobre. C'est en hiver que j'aurai le plus de temps, c'est pourquoi j'envisage de me mettre aux carnassiers (ou alors je braconne ).

nicolas65 : De part ton métier de Technicien Rivière, tu as l'avantage de connaître parfaitement les problématiques des cours d'eaux pyrénéens. Pour l'Adour par exemple, quelles sont les agressions que subit la rivière, les solutions qui fonctionnent et celles qui ne marchent pas ?

JLC : Ah cet Adour, je dirais presque mon Adour, elle en a subi des agressions. Certains ingénieurs fut un temps ont dit : pour qu'une rivière ne pose pas de problème, il faut que l'eau s'écoule le plus vite possible d'un point A à un point B. Alors on a canalisé, enroché, recalibré. Avec ce procédé on a détruit en partie l'Adour et le milieu qui va avec. En plus, les subventions pour ces travaux étaient faciles à obtenir.

Heureusement tout cela a changé dans l'entretien des cours d'eaux. Les mesures de protection des milieux aquatiques prennent une place importante dans les travaux en rivière. Le code de l'environnement, les SDAGE, SAGE et Arrêtés de protection de biotope sont là aujourd'hui, même si parfois il faut montrer les dents.


Sensibilisation des élus au fonctionnement d'une rivière et à ses problématiques


Bien sûr, il y a aussi la qualité de l'eau, mais là Nico je sais que tu y travailles et que l'on avance vite. Le gros point noir était l'absence de station d'épuration à Bagnères. Maintenant c'est réglé (sauf quand la conduite lâche ). Il reste encore du travail en amont, comme la station de ski de la Mongie. On a la chance d'avoir une rivière qui fonctionne bien au niveau de son système auto-épuratoire, mais il faut être vigilant.

Sinon actuellement, l'Adour subit une agression qui va être un dur combat de par la complexité des moyens de lutte : c'est l'invasion des espèces végétales envahissantes. La renouée du Japon et la Balsamine de l'Himalaya, véritables fléaux pour la biodiversité de nos cours d'eau.


JLC répertorie sur le terrain le développement des espèces indésirables et utilise un logiciel SIG pour suivre l'évolution du milieu aquatique

Une des solutions qui fonctionne c'est de redonner un équilibre naturel à l'Adour. Comme exemple, et c'est un peu ma fierté, c'est tout le travail réalisé sur l'Adour de Bagnères à Tarbes en collaboration avec le Contrat de Rivière du Haut-Adour. Redonner l'espace rivière par la remise en service de tous les réseaux secondaires en remettant fonctionnel tous les bras qui ont été déconnectés du lit principal suite aux nombreux recalibrages. Ces bras sont à la fois utile lors de crue mais également favorable à la reproduction de nos salmonidés. Redonner également son espace d'expansion de crue à l'Adour, grâce à la mise en place d'un espace de mobilité (c'est déjà en place sur le nord du département).
Tout cela semble facile, mais en réalité il y a souvent barrages où je dirai plutôt ralentisseurs que sont les activités humaines (agriculture, industrie, remembrement). 


Une tache de longue haleine pour Jean-Luc, remettre en service les réseaux secondaires de l'Adour

Moins on touche à la rivière, mieux elle fonctionne. L'entretien d'une rivière, ce n'est pas de la transformer en parc et jardin et encore moins en canal.


Surveillance des zones de débordement de l'Adour

J'ai aussi une crainte avec le développement de la micro électricité. On est dans une région favorable où les droits d'eau d'anciennes scieries et moulins sont nombreux.

nicolas65 : L'hydro-électricité, oui en effet, ce sera l'objet de mon prochain article... Je trouve que la gestion prônée par l'AAPPMA de la Gaule Bigourdane est pleine de bon sens même s'il y a encore des améliorations à apporter. En tant que Président, quels sont tes projets pour les années à venir ?

JLC : 1. Tout d'abord finaliser celui qui est en cours, c'est à dire la mise en place d'un Atelier Pêche Nature. Si on veut des jeunes pêcheurs, il faut aller les chercher, les initier à la pratique et surtout les sensibiliser aux milieux aquatiques. En plus, si j'arrive à créer un emploi, ça sera pour moi une manière de rendre à l'AAPPMA ce qu'elle a fait pour moi.

2. Continuer et améliorer la gestion patrimoniale de l'AAPPMA, valoriser toutes les actions et innovations qu'elle mène (caches à poisson, remise en eaux de canaux, aménagement du milieu piscicole...).


Les caches à poissons mises en place par l'AAPPMA. Ici une sous-berge de plus d'un mètre.


3. Participer à la mise en place d'une gestion intégrée et raisonnée sur le bassin de l'Adour, des sources au nord du département.

4. Favoriser la pêche et le tourisme pêche par la réciprocité (achat de terrain, droit d'eau,...).

5. Avec l'aide de la Fédération et du Contrat de Rivière, mettre en place une série d'études complémentaires sur la population piscicole de l'Adour et de ses affluents.

6. Participer à l'aide de mon conseil d'administration à toutes les actions en faveur de la pêche et de la proctection des milieux.



 

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commentaires

S
Super comme discutions. Un régal à lire cet article. Merci ;)
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N
Salut Séb, ravi que ça t'ai plus.
J
<br /> Tout ça pour avoir un plus plus d'audience pour le blog, c'est dégueulase de forcer Blandine à écrire!!!!<br /> <br /> <br />
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N
<br /> Même pas vrai, moi aussi bien surpris à tel point que je me demandais si c'était pas une autre blandine <br /> <br /> <br />
B
<br /> Je trouve ce blog très intéressant, très bien structuré. Les interviews nous font vraiment partager la passion du pécheur : on s'y croirait presque... Les photos sont belles.<br /> On comprends surtout un certain nombre de choses quant aux choix de vie...<br /> Merci.<br /> <br /> <br />
Répondre
N
<br /> Très heureux que ma femme comprenne à travers ces articles la passion qui nous anime .<br /> <br /> <br />

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  • Attiré depuis tout petit vers la surface de l'eau, je n'ai cessé de chercher à ce qu'il y avait en dessous. Cette pensée m'obsède toujours. Ainsi c'est au bord de l'eau que je me ressource, pour percer ce mystère.
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