Je m'insurge aujourd'hui sur le degré d'hypocrisie dont fait part EDF
lors de ses campagnes publicitaires.
De belles brochures en couleurs, de superbes spots publicitaires qui présentent des images somptueuses d'harmonie entre de solides infrastructures et la nature. EDF est entré en
bourse et ça se voit. Surfant sur la vague de l'écologie et du développement durable, EDF se présente comme (je cite) "un partenaire attentif à l'environnement" et nous définit
l'hydro-électricité comme "une énergie propre et renouvelable".
Pourtant la réglementation reflète bien la contradiction qu'il existe entre le développement de l'hydro-électricité et la protection des milieux aquatiques (Loi sur la protection de
la nature, Loi pêche, Loi sur l'Eau et les Milieux Aquatiques). Ces textes tentent de limiter l'impact des infrastructures hydro-électriques par la mise en place :
- d'étude d'impact,
- de seuil minimal de débit réservé,
- d'autorisation pour les vidanges de retenues,
- d'étude d'incidence.
De plus, la Loi sur la chaleur et les économies d'énergie du 15 juillet 1980 institue le principe des rivières réservées sur lesquels aucune autorisation ou concession ne sera donnée pour
les usines hydro-électriques nouvelles (10% environ du linéaire des rivières françaises). Si l'hydro-électricité était réellement une "énergie propre", le législateur ne s'évertuerait pas à
tant de réglementation.
Malheureusement, dans notre région, les zones propices à l'hydro-électricité sont les zones de montagnes là où naissent et commencent à grandir les rivières. Ces
têtes de bassin versant qui devraient être protégés au moins des perturbations mécaniques sont finalement le berceau de l'hydro-électricité et le témoin des
impacts écoeurants de cette "énergie propre".
Comment une énergie "propre" peut tant dégrader la
qualité biologique des cours d'eau. Les débits réservés rendent la rivière pitoyable à voir. Un petit fil d'eau sur un lit devenu démesuré. Rien que le terme employé pour ces
secteurs donne envie de vomir : "les tronçons court-circuités".
Réglementairement, le débit réservé ne peut pas être inférieur à 1/40ème du débit moyen interannuel (pour les installations existantes) et 1/10ème pour les installations nouvelles. Imaginez
donc ce qui pourrait se passer en période d'étiage où le débit du cours d'eau peut être de 1/10 ème du débit moyen interannuel...
De plus, les retenues hydro-électriques aussi petites soient-elles
perturbent considérablement le transit sédimentaire au sein du réseau hydrographique. Les matériaux arrachés à la roche mère se déposent en amont des barrages et comblent au fur et à
mesure les retenues et prises d'eau. La solution employée par les concessionnaires est donc de vidanger ces retenues et évacuer les sédiments en aval (principe des vidanges de
barrage ou des chasses). Ici sur cette prise d'eau, EDF a légalement (autorisation préfectorale) la possibilité de réaliser 10 chasses annuelles. Mais au lieu de le faire une fois par
mois environ afin de limiter la concentration de matière déversée en aval, EDF attend l'automne. La période où les feuilles tombent des arbres. Après toute une année
de sédimentation au sein de la prise d'eau, EDF évacue en quelques semaines toute la matière en aval.
Sédimentation au niveau de la retenue sur une année et évacuation des matières à la rivière en aval.
Les photos ci-dessous présente la rivière en aval de la retenue à deux instants différents : en période de débit réservé et en période de
chasse.
Alors ? Une énergie propre ? La conséquence d'une telle artificialisation du régime hydrique de la rivière conduise à de nombreux impacts néfastes à la qualité biologique et
physique du cours d'eau. D'un côté, les débits réservés sont à l'origine d'une réduction impressionnante de l'habitat des truites, d'un appauvrissement de la macro faune benthique, d'une
limitation du pouvoir auto-épuratoire de la rivière. Bref les débits réservés sont à l'origine ... d'un manque cruel d'eau. Voilà l'un des plus grand mal que peut connaître la rivière : le
manque d'eau. De l'autre, le relargage des sédiments augmente parfois de façon mortel pour les truites le taux de matière en suspension dans l'eau et surtout colmate de façon
très importante les habitats et le fond du cours d'eau. Quand on sait que les 3 facteurs déterminants pour la survie d'une espèce sont la nourriture, la reproduction et l'habitat, on ne
donne pas cher des espèces présentent sur ces secteurs.
Après les vidanges ou les chasses des retenues et prise d'eau, le colmatage est effrayant.
Loin de moi l'idée de dire que je n'ai pas besoin d'électricité. Elle est essentiel pour la majorité d'entre nous. Non, ce que j'ai du mal à supporter c'est cette
hypocrisie de dire que l'hydro-électricité est une énergie propre et qu'il faut construire de nouvelles centrales hydro-électriques. Mais EDF n'est pas le seul visé. Par le Grenelle de
l'Environnement, le plan Borloo a notamment pour objectif de relancer cette source d'énergie. Et le pire, c'est qu'il est prévu une mise en concurrence des concessions hydro-électriques
françaises détenuent actuellement par EDF pour 80% environ et le Groupe Suez pour 12% (CNR + SHEM). L'Etat choisira la meilleure offre selon des paramètres énergétiques,
économiques et environnementaux. Bien me dirait vous ? Pas sûr. D'une part car je pense sincèrement qu'EDF n'est pas la pire des entreprises question environnement et d'autre part
parceque le paramètre environnemental est principalement axé sur la suppression de certains obstacles à la libre circulation des poissons (tiens ça j'en avait pas encore parlé !). Si
vous suivez bien mon raisonnement, cela voudrait dire que je vais payer mon électricité à X qui aura obtenu la concession hydro-électrique car il aura prévu sur l'ouvrage de construire une
magnifique passe à poisson qui sera financée par ... moi-même à travers les subventions qu'il aura touché de l'Agence de l'Eau pour ce type de travaux (je vous rappelle que sur votre facture
d'eau, vous payez une taxe reversée à l'Agence de l'Eau).
Je suis ainsi inquiet de la braderie des concessions hydroélectriques et inquiet de l'utilisation des ouvrages des futurs concessionnaires. La réflexion est simple : la
matière première (eau) est gratuite, l'investissement de départ est déjà réalisé (ouvrages), imaginez donc les dividendes pour les actionnaires des nouveaux concessionnaires. Pire, nous
commençons à voir dans nos vallées pyrénéennes de nouvelles micro-centrales là où le milieu avait été jusque là respecté et préservé...
Future mirco-centrale hydroélectrique et
future rivière à débit réservé ! (Adour de Lesponne).