Le blog reprend du service avec une interview que je juge d'excellente qualité au vu des réponses apportées par mon interviewé, Glenn Delporte. J'ai rencontré Glenn dans le circuit de la compétition mouche il y a 3 ans. Personnage discret, il n'en demeure pas moins un excellent pêcheur qui connait parfaitement son territoire. Moniteur Guide de pêche, spécialiste de la mouche au Pays Basque, Glenn a créé il y a peu sa propre structure : Made in River
Glenn Delporte
Salut Glenn, ravi de te recevoir sur mon blog. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Glenn Delporte, j’ai bientôt 33 ans et réside au Pays Basque, l’un des plus beaux endroits au monde 😉, dans un cadre de vie exceptionnel. J’habite sur la côte à Biarritz, mais je passe la plupart de mon temps entre océan et montagne à parcourir les vallées où j’exerce mon métier de moniteur-guide de pêche. Outre ce métier passion qui prend beaucoup de place dans ma vie, je profite de la nature omniprésente ici, de la plage et de l’océan mais à la moindre occasion, la pêche prend le pas sur le reste.
Glenn, quelle rivière as-tu choisi de nous faire découvrir ?
Une fois n’est pas coutume, je vais parler d’une autre rivière que la Grande Nive ou la Nive des Aldudes. Il s’agit de l’Esterenguibel.
l’Esterenguibel
C’est l’affluent principal de la Nive de Béhérobie. Cette Nive est considérée comme la source de la grande Nive. Elle sort de terre à quelques centaines de mètres du restaurant les « Sources de la Nive » à Esterençuby (quartier Beherobi). Pour les pêcheurs gourmands (et il y en a), je vous invite à faire une halte dans l’établissement de la famille Tihista qui reçoit et sait recevoir les pêcheurs depuis 5 générations. Demandez une table proche de la baie vitrée au fond de la salle et vous pourrez admirer la rivière et les truites tout au long de votre pause déjeuner.
l’Esterenguibel
Revenons en a l’Esterenguibel. Il rejoint la Nive de Béhérobie au bourg d’Esterençuby. Cet affluent offre une importante densité de truites et surtout une bonne probabilité de piquer un joli poisson. Les truites de 25-30 cm sont très courantes et chaque saison, des trophées de plus 50 cm y sont capturés. Cela peut paraître banal pour certains pêcheurs, mais l’Esterenguibel est une « petite » rivière qui mesure en moyenne 6 mètres de large !
Vallée de l’Esterenguibel
Ce que j’aime sur cette rivière, c’est l’ambiance. Les prairies, les parties boisées ou la plaine du Gasnategi au pied d’Irati. Je m’émerveille et j’ai toujours beaucoup de plaisirs à arpenter cette vallée. Un conseil, ne ratez pas les décrues !
La pêche et Glenn
D’où te vient cette passion pour la pêche ? Quelle a été ton évolution ?
La pêche est une histoire de famille. Mon père est pêcheur et il nous a transmis le virus. Je dis nous car le troisième personnage de cette histoire, c’est mon grand frère. Tous les deux, nous avons commencé très jeune. Mon frère a été mon compagnon de pêche depuis mon plus jeune âge et aujourd’hui je ne le vois que trop rarement pour partager notre passion.
J’ai commencé par la pêche des poisson blancs au coup en étang et en rivière avec toutes les variantes techniques que sont la grande canne (à emmanchements), l’anglaise, le feeder et la bolognaise. Enfant, je pêchais aussi en rivière à la volante et au toc dans une rivière des Alpes de Haute Provence où je courrais toute la journée après les blageons, les spirlins et les barbeaux méridionaux. J’ai fait ma première ouverture de la truite à l’âge de 8 ans et je me suis donc attaqué à cette nouvelle espèce au toc et à la cuillère.
Depuis combien de temps pêches-tu à la mouche ?
J’ai découvert la pêche à la mouche vers 12 ans lorsque j’ai vu « Et au milieu coule une rivière » pour la première fois. Ma grand-mère m’avait offert ce film et le déclic est apparu à ce moment-là. Je sais, c’est un peu cliché !
Quelques temps après j’ai fait l’acquisition de ma première canne, une décathlon mackenzie 8,6 pieds soie de 5 que je garde précieusement, surtout qu’un ami d’Ustaritz me l’a remise en état et renommée « l’Egurgi » (petite rivière du secteur d’Irati). Des fois, je pêche avec en noyée sur la grande Nive. À l’époque, je n’ai pas persévéré et je ne m’y suis vraiment replongé qu’en 2006.
En 2007, j’ai passé un an dans les rayons du célèbre magasin l’Ami Moucheur à Trois Rivières (Québec) où j’ai effectué ma 4ème année de fac en écologie des eaux douces. J’y ai appris à monter mes premières mouches d’ailleurs et acheté mon premier ensemble pour le brochet. Je pensais déjà à mon retour sur les étangs landais que je fréquente régulièrement en automne hiver. À mon retour au Pays Basque, je me suis pleinement plongé dans cette passion qui ne me lâche plus et qui est pour moi un univers dont je ne discerne plus très bien les limites, tellement il offre de perspectives, de rencontres, de rêves.
Qu’elles sont tes rivières favorites pour la pêche à la mouche ?
J’ai la chance de vivre au milieu d’un territoire de pêche exceptionnel qui fait que je n’ai plus vraiment de préférence tellement les possibilités sont immenses.
Le bassin des Nives cumule près de 1300 km de linéaire cours d’eau dont plus 400 km sont pêchables à la mouche (et encore, avec une 10 pieds dirais-je). Tout ça à 30 min autour de Saint Jean Pied de Port et une grande diversité de profils de rivières. C’est un véritable paradis !
En plus de ça, nous avons le secteur d’Irati, un lieu unique au cœur de la plus grande forêt de hêtres d’Europe. Une exception dans le département des Pyrénées Atlantiques puisque les truites y sont de souche méditerranéenne ! Chaque sortie là-haut est un voyage.
Secteur d'Irati
Nous avons aussi le bassin de la Nivelle qui réserve son lot de surprises et qui reste une alternative aux Nives en fonction des conditions.
En mai et juin, je passe plusieurs journées de l’autre côté de la « frontière » (Espagne) pour pêcher les cours d’eau de la province de Navarre. La Bidassoa à l’ouest et le bassin de l’Iraty à l’est, nous ouvrent encore des parcours où l’activité des truites est souvent soutenue et la pêche plus facile que sur les Nives.
La Grande Nive
Grâce aux relations que j’ai pu développer dans mon ancien métier au sein de l’AAPPMA de la Nive (programme transfrontalier), je parcours depuis maintenant 4 ans, d’autres secteurs du Pays Basque moins connus, notamment en Navarre et en Guipuzcoa.
J’y ai découvert des vallées préservées où tous les ingrédients (cadre, nature, densité de truites) sont réunis pour se régaler à la pêche. D’autres parcours sont également intéressants pour leur densité de grosses truites. La proximité de ces provinces fait que je peux variés les plaisirs (barbeau en sèche par exemple) et surtout pêcher et guider toute l’année !
L’organisation de la pêche est totalement différente de celle établie en France et la gestion de la pression de pêche fait que tu as toujours l’impression de voir du poisson. Je me remets d’ailleurs à la compétition cette année là-bas, histoire de rester à la page.
La Nive de Beherobie
Décris-nous brièvement le matériel que tu utilises (cannes, soies, moulinets) ?
Aujourd’hui, j’utilise essentiellement 2 cannes. Une marryat tactical pro 10 pieds soie 3-4 et une Hends XP 9 pieds soie de 4. Pour les petits cours d’eau, j’utilise une Hends GPX 9 pieds soie de 2. Pour moi, la Marryat pro est très polyvalente et me permet aussi bien de pêcher en sèche qu’en nymphe et même en noyée. Cette canne passe quasiment partout, de la grande Nive aux affluents secondaires comme l’Hayra (affluents de la Nive des Aldudes) ou l’Esterenguibel (affluents de la Nive de Béhérobie). J’utilise des moulinets vivarelli, qui pour moi reste le meilleur compromis. J’ai juste des bobines particulières qui permettent d’avoir un frein plus doux. Parfois, j’utilise d’autres choses mais c’est anecdotique. Niveau soie, j’utilise des Barrio et deux « fausses » soies naturelles dites « sans entretien »
Si tu ne devais avoir dans ta boite à mouche que 3 artificielles, lesquelles seraient-elles ?
Une éphémère couleur olive (type baetis) avec une aile en cul de canard en 14
Un tabanas en taille 16
Une phaisant tail bille cuivre avec un tag orange derrière la bille
Raconte-nous ton meilleur souvenir au bord de l’eau ?
Je l’ai raconté récemment dans une autre interview alors je vais choisir un autre très bon moment qui date du début de la saison dernière. Le temps était de la partie et j’avais commencé en nymphe ne voyant pas d’activité en surface au début de mon parcours. J’enchainais les truites les unes après les autres mais que des poissons de taille modeste (15 à 25). Pourtant je faisais ce parcours car je sais pertinemment que la densité de grosses truites à cet endroit n’est pas une légende malgré le gabarit de cet affluent.
J’avais facile une vingtaine de truites au compteur (aucun mérite car à chaque poste ça prenait) quand l’éclosion a commencé. Je suis alors passé en sèche le long d’une petite falaise où j’ai pris 9 truites dont une de 42 cm. Déjà, j’étais aux anges. En remontant un peu, j’ai fait fuir 2 poissons de taille semblable. J’avais la fin de mon parcours en visuel.
J’aillai longer la bordure en rive gauche pour sortir et là, j’ai failli poser le pied sur une grosse truite postée qui ne m’avait même pas vu. Une chance énorme ! Je recule, je me place et change ma pointe en observant la truite. Elle vient de faire un écart donc elle mange ! Je tente en sèche car la bordure est peu profonde. Au second passage, boom ! Un combat épique mais elle a fini dans l’épuisette.
J’ai fait quelques rapides photos et suis sorti pour rejoindre la voiture. Un garde m’attendait et me dit « je t’ai vu te poster, lancer, batailler et faire la photo…Bravo ! » Un poisson digne des grandes rivières pyrénéennes sauf que là, la rivière fait 6 mètres de large. Je tremblais comme une feuille après ce coup de ligne et j’ai mis un moment à atterrir.
C’était le 4 juillet 2014. Il était tôt (6h30) et j’avais rendez-vous sur le terrain avec le technicien de rivière du syndicat du bassin versant de la Nive pour des travaux. Comme chaque jour, je regarde les niveaux sur vigicrue et je vois cette flèche sur la station d’Osses. Certes il avait plu, mais sur la côte où j’habite, rien à voir avec ce qui venait de tomber à l’amont du bassin versant.
Nous échangeons 2 ou 3 messages avec le technicien, tous les 2 persuadés que la station vigicrue délire totalement. Et bien non, elle ne déconnait pas…pas du tout ! Une crue monumentale qui restera gravé dans ma mémoire, due à des orages stationnaires sur Saint Jean Pied de Port et Baigorry.
J’ai pris ma voiture et suis monté dans la vallée mais j’ai vite été bloqué. Je suis resté un long moment sur les ponts à contempler la fureur de la Nive. J’en ai vu des crues mais celle-ci, tout le monde s’en souvient. Ça devenait dangereux de rester dans le lit majeur et je me suis donc retrouvé dans les bureaux du syndicat perchés sur les collines d’Ustaritz. De là-haut, on voyait la Nive prendre possession de tout son lit majeur et emporter tout sur son passage.
Les jours qui ont suivis, j’ai parcouru les vallées et constatés les dégâts en aidant là où je pouvais. Pour la pêche, je pensais que tout était fini. Mais depuis, les populations se remettent en place progressivement et la saison 2017 fut bonne sur les petites Nives malgré les débits catastrophiques.
J’ai bon espoir pour cette saison 2018 au vu des densités de truites de 2 ans (16 à 22 cm) constatés l’an dernier par les pêcheurs et par les AAPPMA (inventaires piscicoles). Ces truites auront 3 ans cette année et se reproduirons pour la première fois. De quoi s’amuser et reconstituer un nouveau stock de géniteurs qui devraient commencer à recoloniser la grande Nive.
Le métier de Moniteur Guide de pêche
Tu es Moniteur Guide de Pêche, quel plaisir te procure ce métier ?
C’est un privilège de pouvoir travailler au bord de l’eau le plus souvent possible surtout dans le contexte dans lequel j’exerce. Accompagner les gens dans leur pratique ou leur découverte de la pêche, qu’ils soient débutants ou passionnés, c’est un réel plaisir.
Je crois que j’aime trop la pêche pour faire autre chose ! Tu rajoutes à cela l’occasion de voir les rivières que tu affectionnes quasi quotidiennement et il ne manque pas grand-chose non ? Il y peu de métier où tu as la chance d’interagir aussi longtemps (c’est long 8H de pêche) avec les gens, d’échanger, de partager et de les sensibiliser à ton univers.
Je fais de mon mieux pour m’adapter à chaque personne et mettre en place avec les stagiaires, les outils qui leurs permettent de progresser, tant sur la technique, que sur les connaissances environnementales liées à la pêche. Je mets à leur service toute ma connaissance du territoire pour qu’il puisse profiter au maximum du potentiel des rivières du Pays Basque.
A l’inverse, quelles en sont les contraintes ?
La première contrainte citée par beaucoup, c’est que tu ne pêche pas. Tu apprends aux autres. Tu montres certains gestes, tu corriges mais tu n’as pas de canne à la main. Personnellement, ça ne me dérange pas car je prends autant de plaisir à voir mes stagiaires attraper des poissons qu’à les attraper moi-même. Un large sourire après un beau coup de ligne ou une belle truite, c’est ça notre carburant à nous les guides !
Un guide n’est pas un vendeur de poisson mais c’est toujours plus facile quand ils sont de la partie. Parfois c’est dur car les conditions ne jouent pas en ta faveur. Il faut s’accrocher et maintenir le moral des troupes. C’est là où mon expérience en compétition m’apporte beaucoup. Il ne faut rien lâcher jusqu’au bout et le plus souvent ça paye.
La seconde contrainte, c’est que c’est un métier "saisonnier". C’est un véritable challenge d’en faire une activité principale et beaucoup de guides ont des activités annexes.
Quelles qualités doit avoir un bon Moniteur-Guide de pêche ?
Comme son nom l’indique, un moniteur-guide a deux casquettes qui peuvent être mises à contribution ensemble ou indépendamment l’une de l’autre.
Un moniteur doit être capable d’enseigner tout ou partie d’une technique de pêche qu’il maîtrise. Il alterne entre théorie et pratique et propose une pédagogie évolutive pour que le stagiaire puisse progresser pas à pas dans l’apprentissage du geste sportif et des notions environnementales liées à la pêche (rivière, insectes, poissons). Un moniteur est enthousiaste et encourage ses stagiaires dans la réalisation d’une action de pêche réussie quelque soit le niveau technique de la personne qu’il encadre.
Un guide doit parfaitement connaitre son territoire de pêche afin de proposer la meilleure configuration en fonction des conditions et de la saison. Il adapte forcément ses propositions en fonction des souhaits de la ou des personne(s) qu’il accompagne.
Parle nous un peu de ta structure, Made in River ?
En créant cette structure, l’idée était de rassembler sous une même étiquette toutes mes casquettes (animateur, moniteur-guide et hydrobiologiste). Mon prénom sonne plutôt anglosaxon (gaélique) et il était mal venu de choisir un nom en basque alors que je ne suis pas bascophone. Personne n’est dupe ici et les acteurs du bassin de la Nive me connaissent depuis plus de 12 ans. J’ai mis un moment avant de m’arrêter sur ce nom pas très local mais qui je pense, reflète bien ma personnalité et mon parcours à savoir que je me suis « construit les pieds dans l’eau » et que toute ma vie est articulée autour de la pêche et des milieux aquatiques depuis mon enfance.
Par exemple l’an dernier, j’ai fait guide une partie de mon temps mais à côté de cette activité j’ai également participé à des inventaires piscicoles, fait des interventions en milieu scolaire, en centre de loisirs ou encadré une école de pêche. Ainsi j’utilise tous mes domaines de compétences pour développer mon activité.
En tant que moniteur-guide, il me semble important de diversifier les publics auxquels on s’adresse et surtout essentiel de former les plus jeunes. C’est une façon de rester acteur (après 10 ans d’AAPPMA) de mon territoire avec une toute nouvelle approche, celle du partage et de la transmission de mes connaissances à travers ma passion, qui pour moi, reste l’un des meilleurs vecteurs de sensibilisation aux problématiques environnementales actuelles.
Tu es l’organisateur d’un tout nouveau masterclass Pêche à la Mouche avec le champion du monde de la discipline Julien Daguillanes. Parle nous un peu de ce projet ; comment t’es venu cette idée ; que peut-il apporter aux stagiaires d’un tel Masterclass ?
Tu sais bien Nico que la route est longue pour se rendre sur les lieux des compétitions…on a le temps de discuter !
L’idée de ce stage spécifique que j’ai nommé MASTERCLASS, à l’image de ce qui se fait à l’étranger, est née de mon expérience personnelle dans le monde de la compétition.
En effet, la section sportive de la Fédération Française de Pêche à la Mouche et Lancer (FFPML) est à mon sens, une véritable école. Lorsque tu mets un pied dans cette « grande famille de la compétition », tu interagis en permanence avec d’autres pêcheurs du circuit, tu es en veille permanente sur les dernières astuces, les nouveautés et les informations foisonnent. Après chaque manche, chaque compétition, la remise en question te pousse à revoir ta technique et t’amène à travailler toutes les améliorations possibles car la réussite ne laisse aucune place au hasard. Toi qui est compétiteur de D1 tu vois ce que je veux dire ! Sur des rivières que tu ne connais pas, ta capacité d’adaptation est mise à rude épreuve et seuls les pêcheurs les plus tactiques et polyvalents s’en sortent. Au-delà de la réussite, c’est avant tout l’analyse et la compréhension des points négatifs qui te font progresser, une sorte d’apprentissage par l’échec. Je trouve ça vraiment formateur.
Comme dit André, notre cher Président de la fédération, « parfois, il faut descendre du vélo pour se regarder pédaler » ou « plutôt sortir de la rivière pour regarder l’autre pêcher ». C’est chez toi sur l’Adour en juillet dernier, que cette idée de Masterclass m’est venue, alors que j’observais attentivement le pêcheur que j’arbitrais lors d’une manche de D1. Au fur et à mesure du week-end, je décortiquais sa technique, ses choix, et mettais en perspective ses résultats avec ceux des autres compétiteurs comme toi ou Julien. Une riche expérience qui fut le point de départ de ce Masterclass qui sera une première en France.
Julien Daguillanes - champion du monde de pêche à la mouche
Le but est de proposer aux participants un stage pointu sur la technique pêche en elle-même. Aucun guide de pêche en France n’a le bagage technique, le niveau ni le talent de Julien. Il y a des profils qui s’en rapprochent notamment Jean Guillaume Mathieu et certaines personnes qui ont brillé en équipe nationale comme Eric Lelouvier ou Yannick Rivière, mais Julien est actuellement au sommet de son art, à une époque où le niveau international semble de plus en plus élevé. C’est une chance qu’il me fasse confiance et qu’il ait accepté de partager son savoir lors de ce week-end.
L’idée est de le mettre en scène et qu’en tant que moniteur je puisse le faire interagir avec les participants en menant les discussions et les échanges. Le choix des mouches, les montages spécifiques (nymphe, sèche, tandem), la recherche de la pêche, l’adaptation, les astuces, l’organisation, la lecture des postes etc, nous passerons tout en revue pour apporter le maximum d’outils aux stagiaires.
Une partie du week-end est consacrée à la mise en pratique des points techniques que nous étudierons, notamment à travers un moment personnalisé où chaque stagiaire bénéficiera d’un temps d’encadrement spécifique avec Julien et moi.
D'abord Matt et Lenka's qui ont ouvert récemment un flyshop. Leurs montages sont d'une grande qualité et les modèles qu'ils proposent sont éprouvés par de nombreuses sorties avec des résultats probants.
Vous pouvez retrouver leurs modèles et leur boutique sur Matt et Lenka's
Pour rester dans l'idée de l'artisanat et du local, qui semble grandir dans la communauté pêche en France, j'ai également un partenariat pour les boites avec mon très cher ami Bastien et surtout son papa Charly. En effet, à Cazères (31), Charly confectionne des boîtes en bois avec diverses essences qu'il personnalise.
Vous pouvez retrouver ses modèles rustiques que j'affectionne particulièrement ainsi que des récupérateurs de fil (cf. photo) ou des stylos sur sa page facebook : Charly M
Récupérateur de fil Charly M
Tous les 4, je les remercie chaleureusement pour leur soutien à cet événement unique!
Sa vision dans la gestion des milieux aquatiques
Selon toi, de quels maux souffrent le plus les cours d’eaux de ta région ?
Nous sommes assez préservés ici mais certaines pratiques et certains comportements perdurent (pollutions diffuses, décharges sauvages etc). La bactériologie est encore trop élevée de manière globale sur les Nives et le travail de fond du syndicat de la Nive doit se poursuivre au sein de la nouvelle collectivité Pays Basque (croisons les doigts).
Des rivières encore préservées...
Le plus impactant reste pour moi l’urbanisation du bassin versant et la multiplication des activités. En quelques années, j’ai vu le régime hydraulique de certains ruisseaux, changer du tout au tout. On voit des zones de montagnes mises à nue, des pistes ouvertes, des bâtiments construits à gauche à droite et des ruisseaux busés, des prairies drainées. Les nombreux produits chimiques de notre quotidien sont maintenant présents très haut en tête de bassin. Même si plus de 30 stations d’épuration ont vu le jour sur le bassin ces 20 dernières années, elles ne filtrent pas ces nouvelles substances dont on ne connaît pas l’impact exacte. La quantité d’eau est aussi un sujet délicat avec des étiages de plus en plus marqués et long.
Heureusement, il y aussi beaucoup de positif sur le territoire comme la multiplication des agriculteurs qui passent en Bio, l’animation agricole pour favoriser de bonnes pratiques respectueuses des cours d’eau ou l’arrêt des phytosanitaires par les communes et collectivités du bassin. Il y a une multitude d’actions mises en place par les différents acteurs (AAPPMA, Syndicat) qui améliorent les choses petit à petit.
Si tu avais tous les pouvoirs, quelle politique de gestion des milieux aquatiques mettrais-tu en place et quels en seraient les moyens ?
Dans le meilleur des mondes, au lieu de nationaliser des entreprises je nationaliserais les cours d’eau. Je redonnerais les compétences et les moyens à l’état pour restaurer et gérer l’espace rivière dans sa globalité avec en ligne de mire, la préservation d’un bien commun. Cette utopie est un peu brutale mais bon…
Dans un autre monde, je tenterais de mettre en place un véritable corridor autour des cours d’eau, une sorte de bande de non-agression. Je réfléchirais surface de bassin versant, occupation des sols et impacts induits. Je resterais pragmatique. Je m’efforcerais surtout de valoriser financièrement les initiatives des différents acteurs pour la prise en compte de la préservation des cours d’eau. C’est facile de demander à un agriculteur de changer quelques choses mais encore faut il pouvoir lui proposer une solution sans qu’il perde d’argent !
Plus que tout, je militerai pour valoriser les cours d’eau comme richesse et surtout comme support d’une activité économique dense et diversifié. Aujourd’hui, la rivière semble ne rien valoir (financièrement parlant) alors qu’elle représente un trésor inestimable.
Pour te faire une idée, quasiment toute la côte basque boit l’eau de la Nive et tout l’intérieur boit l’eau de plusieurs sources ou affluents ! Rien que ça, ça pose le contexte ! Pourtant, on vient de ramasser 6 tonnes de déchets lors du nettoyage annuel organisé par l’ex Syndicat du bassin versant de la Nive (aujourd’hui Communauté d’agglomération Pays Basque) la semaine avant l’ouverture ! On a l’impression que tant qu’il n’y aura pas de catastrophe, on ne considèrera pas ce patrimoine à sa juste valeur. Les choses changent, puisque chaque année, la mobilisation pour cet événement s’accroit. On aimerait que ça aille plus vite mais dans le domaine de l’environnement, tout est une question de temps et de prise de conscience.
Selon toi, qu’est ce qu’une gestion halieutique efficace ?
La gestion halieutique c’est compliqué, on fait avec ce que l’on a et c’est un vaste sujet. Je me garderais bien de dire quelle gestion est plus efficace qu’une autre. Tout dépend des objectifs… Ce qui est sûr, c’est que l’halieutisme rassemble beaucoup de « politiques de gestion » différentes sous le même nom et qu’il est difficile de satisfaire toute une population de pêcheurs avec une seule ligne directrice.
La raison voudrait qu’on adapte l’activité pêche à la réalité de terrain en tentant des choses novatrices en termes de règlementation. Par exemple, les fenêtres de captures sont plus en adéquation avec le fonctionnement naturel d’une population de truites que les actuelles tailles légales. Pourquoi ne pas essayer surtout, de mieux partager les ressources piscicoles au fil d’une saison en évitant les abus (quota annuel). Je parle d’abus car je connais d’excellents pêcheurs des Nives qui gardent 800 truites par an ! Vaste débat donc !
Son expérience de la compétition mouche
Tu as eu une expérience dans la compétition avec 3 années de pratique où tu es passé de la promotion nationale à la 1ère division en 2 ans. Que retiens-tu de ces années ? Est-ce qu’elles t’ont servi dans ta façon d’aborder la pêche ?
Ces 3 années m’ont permis d’apprendre énormément. J’ai eu la chance d’être bien entouré et de faire des belles rencontres. Comme je te l’ai décrit plus haut, c’est pour moi une école incomparable. La dernière année, j’ai surtout compris ce qui fallait faire et ne pas faire. Il est impensable d’arriver en D1 sans se préparer, sans être gavé de pêche pour que les automatismes répondent présent le jour J. Quand tu te confrontes aux meilleurs, tout va très vite et tu n’as pas le droit à l’erreur.
D’une manière générale, cette expérience a changé ma façon de pêcher. Elle m’a amené beaucoup de polyvalence et de capacité d’adaptation. Je parcours beaucoup moins de linéaire en pêche de loisirs maintenant. Je pêche moins à l’instinct et je tente de comprendre ce que je fais à chaque sortie. Je suis beaucoup plus serein car je suis aujourd’hui persuadé que quand ça ne mort pas, c’est que je ne fais pas ce qu’il faut. Le poisson lui, n’y est pour rien.
Cette façon de voir les choses, c’est ce que j’essaye de transmettre à mes stagiaires. Cette expérience de la compétition m’a convaincu qu’une grande partie de la réussite de la pêche est liée à une somme de détails techniques qu’il faut mettre en place bout à bout. Aucun de ces détails ne doit être laissé de côté sous peine d’échec (même par « fainéantise » je dirais). C’est une sorte de suite logique qui fait qu’une bonne gestuelle génère une bonne dérive qui finit par prendre un poisson, ou que le bon poids d’une nymphe déclenche la touche car il permet de passer à la bonne hauteur et à la bonne vitesse.
Que penses-tu du niveau des compétiteurs en France ?
Je n’en pense que du bien et j’ai la chance de pouvoir le comparer à celui des compétiteurs espagnols, qui ne sont pas manchot eux non plus !
De mon point de vue, je dirais que les Français me semblent plus subtiles dans leur technique. Cette approche délicate, je pense qu’elle provient essentiellement de la technicité de la pêche sur les rivières Françaises. Pas besoin de partir à l’autre bout de la planète pour s’apercevoir que le niveau technique nécessaire pour faire une belle partie de pêche en France est très élevé. Il suffit de comparer quelques parcours des pays frontaliers (Italie, Espagne, Allemagne, Belgique) pour comprendre que la France est un sacré terrain d’entrainement pour les compétiteurs.
Cet aspect n’est à mon avis pas étranger au fait que la France fasse partie des meilleures nations aux monde. Nous n’avons pas autant de poissons issus de piscicultures, de parcours privés où la pression de pêche est limitée, mais la gestion patrimoniale à la française, qui a laissé de côté les déversements, les alevinages et les boites Vibert, a également ses vertus !
Pour contacter Glenn Delporte : 06.66.60.84.42 ou Made in River