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22 mars 2018 4 22 /03 /mars /2018 12:15

Le blog reprend du service avec une interview que je juge d'excellente qualité au vu des réponses apportées par mon interviewé, Glenn Delporte. J'ai rencontré Glenn dans le circuit de la compétition mouche il y a 3 ans. Personnage discret, il n'en demeure pas moins un excellent pêcheur qui connait parfaitement son territoire. Moniteur Guide de pêche, spécialiste de la mouche au Pays Basque, Glenn a créé il y a peu sa propre structure : Made in River

Glenn Delporte

 

Salut Glenn, ravi de te recevoir sur mon blog. Peux-tu te présenter en quelques mots ?

 

Je m’appelle Glenn Delporte, j’ai bientôt 33 ans et réside au Pays Basque, l’un des plus beaux endroits au monde 😉, dans un cadre de vie exceptionnel. J’habite sur la côte à Biarritz, mais je passe la plupart de mon temps entre océan et montagne à parcourir les vallées où j’exerce mon métier de moniteur-guide de pêche. Outre ce métier passion qui prend beaucoup de place dans ma vie, je profite de la nature omniprésente ici, de la plage et de l’océan mais à la moindre occasion, la pêche prend le pas sur le reste.

 

 

Glenn, quelle rivière as-tu choisi de nous faire découvrir  ?

Une fois n’est pas coutume, je vais parler d’une autre rivière que la Grande Nive ou la Nive des Aldudes. Il s’agit de l’Esterenguibel.

l’Esterenguibel

C’est l’affluent principal de la Nive de Béhérobie.  Cette Nive est considérée comme la source de la grande Nive. Elle sort de terre à quelques centaines de mètres du restaurant les « Sources de la Nive » à Esterençuby (quartier Beherobi). Pour les pêcheurs gourmands (et il y en a), je vous invite à faire une halte dans l’établissement de la famille Tihista qui reçoit et sait recevoir les pêcheurs depuis 5 générations. Demandez une table proche de la baie vitrée au fond de la salle et vous pourrez admirer la rivière et les truites tout au long de votre pause déjeuner.

l’Esterenguibel

Revenons en a l’Esterenguibel. Il rejoint la Nive de Béhérobie au bourg d’Esterençuby. Cet affluent offre une importante densité de truites et surtout une bonne probabilité de piquer un joli poisson. Les truites de 25-30 cm sont très courantes et chaque saison, des trophées de plus 50 cm y sont capturés. Cela peut paraître banal pour certains pêcheurs, mais l’Esterenguibel est une « petite » rivière qui mesure en moyenne 6 mètres de large !

Vallée de l’Esterenguibel

Ce que j’aime sur cette rivière, c’est l’ambiance. Les prairies, les parties boisées ou la plaine du Gasnategi au pied d’Irati. Je m’émerveille et j’ai toujours beaucoup de plaisirs à arpenter cette vallée. Un conseil, ne ratez pas les décrues !

 

La pêche et Glenn

 

D’où te vient cette passion pour la pêche ? Quelle a été ton évolution ?

 

La pêche est une histoire de famille. Mon père est pêcheur et il nous a transmis le virus. Je dis nous car le troisième personnage de cette histoire, c’est mon grand frère. Tous les deux, nous avons commencé très jeune. Mon frère a été mon compagnon de pêche depuis mon plus jeune âge et aujourd’hui je ne le vois que trop rarement pour partager notre passion.

 

 

J’ai commencé par la pêche des poisson blancs au coup en étang et en rivière avec toutes les variantes techniques que sont la grande canne (à emmanchements), l’anglaise, le feeder et la bolognaise. Enfant, je pêchais aussi en rivière à la volante et au toc dans une rivière des Alpes de Haute Provence où je courrais toute la journée après les blageons, les spirlins et les barbeaux méridionaux. J’ai fait ma première ouverture de la truite à l’âge de 8 ans et je me suis donc attaqué à cette nouvelle espèce au toc et à la cuillère.

 

 

Depuis combien de temps pêches-tu à la mouche ?

 

J’ai découvert la pêche à la mouche vers 12 ans lorsque j’ai vu « Et au milieu coule une rivière » pour la première fois. Ma grand-mère m’avait offert ce film et le déclic est apparu à ce moment-là. Je sais, c’est un peu cliché !

 

Quelques temps après j’ai fait l’acquisition de ma première canne, une décathlon mackenzie 8,6 pieds soie de 5 que je garde précieusement, surtout qu’un ami d’Ustaritz me l’a remise en état et renommée « l’Egurgi » (petite rivière du secteur d’Irati). Des fois, je pêche avec en noyée sur la grande Nive. À l’époque, je n’ai pas persévéré et je ne m’y suis vraiment replongé qu’en 2006.

 

 

En 2007, j’ai passé un an dans les rayons du célèbre magasin l’Ami Moucheur à Trois Rivières (Québec) où j’ai effectué ma 4ème année de fac en écologie des eaux douces. J’y ai appris à monter mes premières mouches d’ailleurs et acheté mon premier ensemble pour le brochet. Je pensais déjà à mon retour sur les étangs landais que je fréquente régulièrement en automne hiver. À mon retour au Pays Basque, je me suis pleinement plongé dans cette passion qui ne me lâche plus et qui est pour moi un univers dont je ne discerne plus très bien les limites, tellement il offre de perspectives, de rencontres, de rêves.

 

 

Qu’elles sont tes rivières favorites pour la pêche à la mouche ?

 

J’ai la chance de vivre au milieu d’un territoire de pêche exceptionnel qui fait que je n’ai plus vraiment de préférence tellement les possibilités sont immenses.

 

Le bassin des Nives cumule près de 1300 km de linéaire cours d’eau dont plus 400 km sont pêchables à la mouche (et encore, avec une 10 pieds dirais-je). Tout ça à 30 min autour de Saint Jean Pied de Port et une grande diversité de profils de rivières. C’est un véritable paradis !

 

En plus de ça, nous avons le secteur d’Irati, un lieu unique au cœur de la plus grande forêt de hêtres d’Europe. Une exception dans le département des Pyrénées Atlantiques puisque les truites y sont de souche méditerranéenne !  Chaque sortie là-haut est un voyage.

 

Secteur d'Irati

 

Nous avons aussi le bassin de la Nivelle qui réserve son lot de surprises et qui reste une alternative aux Nives en fonction des conditions.

 

En mai et juin, je passe plusieurs journées de l’autre côté de la « frontière » (Espagne) pour pêcher les cours d’eau de la province de Navarre. La Bidassoa à l’ouest et le bassin de l’Iraty à l’est, nous ouvrent encore des parcours où l’activité des truites est souvent soutenue et la pêche plus facile que sur les Nives.

 

La Grande Nive

 

Grâce aux relations que j’ai pu développer dans mon ancien métier au sein de l’AAPPMA de la Nive (programme transfrontalier), je parcours depuis maintenant 4 ans, d’autres secteurs du Pays Basque moins connus, notamment en Navarre et en Guipuzcoa.

 

J’y ai découvert des vallées préservées où tous les ingrédients (cadre, nature, densité de truites) sont réunis pour se régaler à la pêche. D’autres parcours sont également intéressants pour leur densité de grosses truites. La proximité de ces provinces fait que je peux variés les plaisirs (barbeau en sèche par exemple) et surtout pêcher et guider toute l’année !  

 

L’organisation de la pêche est totalement différente de celle établie en France et la gestion de la pression de pêche fait que tu as toujours l’impression de voir du poisson. Je me remets d’ailleurs à la compétition cette année là-bas, histoire de rester à la page.

 

La Nive de Beherobie

 

Décris-nous brièvement le matériel que tu utilises (cannes, soies, moulinets) ?

 

Aujourd’hui, j’utilise essentiellement 2 cannes. Une marryat tactical pro 10 pieds soie 3-4 et une Hends XP 9 pieds soie de 4. Pour les petits cours d’eau, j’utilise une Hends GPX 9 pieds soie de 2. Pour moi, la Marryat pro est très polyvalente et me permet aussi bien de pêcher en sèche qu’en nymphe et même en noyée. Cette canne passe quasiment partout, de la grande Nive aux affluents secondaires comme l’Hayra (affluents de la Nive des Aldudes) ou l’Esterenguibel (affluents de la Nive de Béhérobie). J’utilise des moulinets vivarelli, qui pour moi reste le meilleur compromis. J’ai juste des bobines particulières qui permettent d’avoir un frein plus doux. Parfois, j’utilise d’autres choses mais c’est anecdotique. Niveau soie, j’utilise des Barrio et deux « fausses » soies naturelles dites « sans entretien »

 

Si tu ne devais avoir dans ta boite à mouche que 3 artificielles, lesquelles seraient-elles ?

Une éphémère couleur olive (type baetis) avec une aile en cul de canard en 14

Un tabanas en taille 16

Une phaisant tail bille cuivre avec un tag orange derrière la bille

Raconte-nous ton meilleur souvenir au bord de l’eau ?

 

Je l’ai raconté récemment dans une autre interview alors je vais choisir un autre très bon moment qui date du début de la saison dernière. Le temps était de la partie et j’avais commencé en nymphe ne voyant pas d’activité en surface au début de mon parcours. J’enchainais les truites les unes après les autres mais que des poissons de taille modeste (15 à 25). Pourtant je faisais ce parcours car je sais pertinemment que la densité de grosses truites à cet endroit n’est pas une légende malgré le gabarit de cet affluent.

 

J’avais facile une vingtaine de truites au compteur (aucun mérite car à chaque poste ça prenait) quand l’éclosion a commencé. Je suis alors passé en sèche le long d’une petite falaise où j’ai pris 9 truites dont une de 42 cm. Déjà, j’étais aux anges. En remontant un peu, j’ai fait fuir 2 poissons de taille semblable. J’avais la fin de mon parcours en visuel.

 

J’aillai longer la bordure en rive gauche pour sortir et là, j’ai failli poser le pied sur une grosse truite postée qui ne m’avait même pas vu. Une chance énorme ! Je recule, je me place et change ma pointe en observant la truite. Elle vient de faire un écart donc elle mange ! Je tente en sèche car la bordure est peu profonde. Au second passage, boom ! Un combat épique mais elle a fini dans l’épuisette.

 

J’ai fait quelques rapides photos et suis sorti pour rejoindre la voiture. Un garde m’attendait et me dit « je t’ai vu te poster, lancer, batailler et faire la photo…Bravo ! » Un poisson digne des grandes rivières pyrénéennes sauf que là, la rivière fait 6 mètres de large. Je tremblais comme une feuille après ce coup de ligne et j’ai mis un moment à atterrir.

 

 

A l’inverse quel est ton pire souvenir ?

 

C’était le 4 juillet 2014. Il était tôt (6h30) et j’avais rendez-vous sur le terrain avec le technicien de rivière du syndicat du bassin versant de la Nive pour des travaux. Comme chaque jour, je regarde les niveaux sur vigicrue et je vois cette flèche sur la station d’Osses. Certes il avait plu, mais sur la côte où j’habite, rien à voir avec ce qui venait de tomber à l’amont du bassin versant.

 

Nous échangeons 2 ou 3 messages avec le technicien, tous les 2 persuadés que la station vigicrue délire totalement. Et bien non, elle ne déconnait pas…pas du tout ! Une crue monumentale qui restera gravé dans ma mémoire, due à des orages stationnaires sur Saint Jean Pied de Port et Baigorry.

 

 

J’ai pris ma voiture et suis monté dans la vallée mais j’ai vite été bloqué. Je suis resté un long moment sur les ponts à contempler la fureur de la Nive. J’en ai vu des crues mais celle-ci, tout le monde s’en souvient. Ça devenait dangereux de rester dans le lit majeur et je me suis donc retrouvé dans les bureaux du syndicat perchés sur les collines d’Ustaritz. De là-haut, on voyait la Nive prendre possession de tout son lit majeur et emporter tout sur son passage.

 

Les jours qui ont suivis, j’ai parcouru les vallées et constatés les dégâts en aidant là où je pouvais. Pour la pêche, je pensais que tout était fini. Mais depuis, les populations se remettent en place progressivement et la saison 2017 fut bonne sur les petites Nives malgré les débits catastrophiques.

 

 

J’ai bon espoir pour cette saison 2018 au vu des densités de truites de 2 ans (16 à 22 cm) constatés l’an dernier par les pêcheurs et par les AAPPMA (inventaires piscicoles). Ces truites auront 3 ans cette année et se reproduirons pour la première fois. De quoi s’amuser et reconstituer un nouveau stock de géniteurs qui devraient commencer à recoloniser la grande Nive.

 

 

Le métier de Moniteur Guide de pêche

 

Tu es Moniteur Guide de Pêche, quel plaisir te procure ce métier ?

 

C’est un privilège de pouvoir travailler au bord de l’eau le plus souvent possible surtout dans le contexte dans lequel j’exerce. Accompagner les gens dans leur pratique ou leur découverte de la pêche, qu’ils soient débutants ou passionnés, c’est un réel plaisir.

 

 

Je crois que j’aime trop la pêche pour faire autre chose ! Tu rajoutes à cela l’occasion de voir les rivières que tu affectionnes quasi quotidiennement et il ne manque pas grand-chose non ? Il y peu de métier où tu as la chance d’interagir aussi longtemps (c’est long 8H de pêche) avec les gens, d’échanger, de partager et de les sensibiliser à ton univers.

 

Je fais de mon mieux pour m’adapter à chaque personne et mettre en place avec les stagiaires, les outils qui leurs permettent de progresser, tant sur la technique, que sur les connaissances environnementales liées à la pêche. Je mets à leur service toute ma connaissance du territoire pour qu’il puisse profiter au maximum du potentiel des rivières du Pays Basque.

 

 

A l’inverse, quelles en sont les contraintes ?

 

La première contrainte citée par beaucoup, c’est que tu ne pêche pas. Tu apprends aux autres. Tu montres certains gestes, tu corriges mais tu n’as pas de canne à la main. Personnellement, ça ne me dérange pas car je prends autant de plaisir à voir mes stagiaires attraper des poissons qu’à les attraper moi-même. Un large sourire après un beau coup de ligne ou une belle truite, c’est ça notre carburant à nous les guides !

 

Un guide n’est pas un vendeur de poisson mais c’est toujours plus facile quand ils sont de la partie. Parfois c’est dur car les conditions ne jouent pas en ta faveur. Il faut s’accrocher et maintenir le moral des troupes. C’est là où mon expérience en compétition m’apporte beaucoup. Il ne faut rien lâcher jusqu’au bout et le plus souvent ça paye.

 

 

La seconde contrainte, c’est que c’est un métier "saisonnier". C’est un véritable challenge d’en faire une activité principale et beaucoup de guides ont des activités annexes.

 

Quelles qualités doit avoir un bon Moniteur-Guide de pêche ?

 

Comme son nom l’indique, un moniteur-guide a deux casquettes qui peuvent être mises à contribution ensemble ou indépendamment l’une de l’autre.

 

Un moniteur doit être capable d’enseigner tout ou partie d’une technique de pêche qu’il maîtrise. Il alterne entre théorie et pratique et propose une pédagogie évolutive pour que le stagiaire puisse progresser pas à pas dans l’apprentissage du geste sportif et des notions environnementales liées à la pêche (rivière, insectes, poissons). Un moniteur est enthousiaste et encourage ses stagiaires dans la réalisation d’une action de pêche réussie quelque soit le niveau technique de la personne qu’il encadre.

 

 

Un guide doit parfaitement connaitre son territoire de pêche afin de proposer la meilleure configuration en fonction des conditions et de la saison. Il adapte forcément ses propositions en fonction des souhaits de la ou des personne(s) qu’il accompagne.

 

Parle nous un peu de ta structure, Made in River ?

 

En créant cette structure, l’idée était de rassembler sous une même étiquette toutes mes casquettes (animateur, moniteur-guide et hydrobiologiste). Mon prénom sonne plutôt anglosaxon (gaélique) et il était mal venu de choisir un nom en basque alors que je ne suis pas bascophone. Personne n’est dupe ici et les acteurs du bassin de la Nive me connaissent depuis plus de 12 ans. J’ai mis un moment avant de m’arrêter sur ce nom pas très local mais qui je pense, reflète bien ma personnalité et mon parcours à savoir que je me suis « construit les pieds dans l’eau » et que toute ma vie est articulée autour de la pêche et des milieux aquatiques depuis mon enfance.

 

 

Par exemple l’an dernier, j’ai fait guide une partie de mon temps mais à côté de cette activité j’ai également participé à des inventaires piscicoles, fait des interventions en milieu scolaire, en centre de loisirs ou encadré une école de pêche. Ainsi j’utilise tous mes domaines de compétences pour développer mon activité.

 

En tant que moniteur-guide, il me semble important de diversifier les publics auxquels on s’adresse et surtout essentiel de former les plus jeunes.  C’est une façon de rester acteur (après 10 ans d’AAPPMA) de mon territoire avec une toute nouvelle approche, celle du partage et de la transmission de mes connaissances à travers ma passion, qui pour moi, reste l’un des meilleurs vecteurs de sensibilisation aux problématiques environnementales actuelles.

 

 

Tu es l’organisateur d’un tout nouveau masterclass Pêche à la Mouche avec le champion du monde de la discipline Julien Daguillanes. Parle nous un peu de ce projet ; comment t’es venu cette idée ;  que peut-il apporter aux stagiaires d’un tel Masterclass ?

 

Tu sais bien Nico que la route est longue pour se rendre sur les lieux des compétitions…on a le temps de discuter !

 

L’idée de ce stage spécifique que j’ai nommé MASTERCLASS, à l’image de ce qui se fait à l’étranger, est née de mon expérience personnelle dans le monde de la compétition.

 

En effet, la section sportive de la Fédération Française de Pêche à la Mouche et Lancer (FFPML) est à mon sens, une véritable école. Lorsque tu mets un pied dans cette « grande famille de la compétition », tu interagis en permanence avec d’autres pêcheurs du circuit, tu es en veille permanente sur les dernières astuces, les nouveautés et les informations foisonnent. Après chaque manche, chaque compétition, la remise en question te pousse à revoir ta technique et t’amène à travailler toutes les améliorations possibles car la réussite ne laisse aucune place au hasard. Toi qui est compétiteur de D1 tu vois ce que je veux dire ! Sur des rivières que tu ne connais pas, ta capacité d’adaptation est mise à rude épreuve et seuls les pêcheurs les plus tactiques et polyvalents s’en sortent. Au-delà de la réussite, c’est avant tout l’analyse et la compréhension des points négatifs qui te font progresser, une sorte d’apprentissage par l’échec. Je trouve ça vraiment formateur.

 

 

Comme dit André, notre cher Président de la fédération, « parfois, il faut descendre du vélo pour se regarder pédaler » ou « plutôt sortir de la rivière pour regarder l’autre pêcher ». C’est chez toi sur l’Adour en juillet dernier, que cette idée de Masterclass m’est venue, alors que j’observais attentivement le pêcheur que j’arbitrais lors d’une manche de D1. Au fur et à mesure du week-end, je décortiquais sa technique, ses choix, et mettais en perspective ses résultats avec ceux des autres compétiteurs comme toi ou Julien. Une riche expérience qui fut le point de départ de ce Masterclass qui sera une première en France.

 

Julien Daguillanes - champion du monde de pêche à la mouche

 

Le but est de proposer aux participants un stage pointu sur la technique pêche en elle-même. Aucun guide de pêche en France n’a le bagage technique, le niveau ni le talent de Julien. Il y a des profils qui s’en rapprochent notamment Jean Guillaume Mathieu et certaines personnes qui ont brillé en équipe nationale comme Eric Lelouvier ou Yannick Rivière, mais Julien est actuellement au sommet de son art, à une époque où le niveau international semble de plus en plus élevé. C’est une chance qu’il me fasse confiance et qu’il ait accepté de partager son savoir lors de ce week-end.

 

L’idée est de le mettre en scène et qu’en tant que moniteur je puisse le faire interagir avec les participants en menant les discussions et les échanges. Le choix des mouches, les montages spécifiques (nymphe, sèche, tandem), la recherche de la pêche, l’adaptation, les astuces, l’organisation, la lecture des postes etc, nous passerons tout en revue pour apporter le maximum d’outils aux stagiaires.

 

 

Une partie du week-end est consacrée à la mise en pratique des points techniques que nous étudierons, notamment à travers un moment personnalisé où chaque stagiaire bénéficiera d’un temps d’encadrement spécifique avec Julien et moi.

 

Ce Masterclass intrigue les gens et des partenaires nous ont rejoint sur le projet...
 

 

D'abord Matt et Lenka's qui ont ouvert récemment un flyshop. Leurs montages sont d'une grande qualité et les modèles qu'ils proposent sont éprouvés par de nombreuses sorties avec des résultats probants.

 

Vous pouvez retrouver leurs modèles et leur boutique sur Matt et Lenka's

 

Avec Julien, nous avons sélectionné avec soins les modèles de leur gamme pour ce Masterclass.
 
 
 
 
 

Pour rester dans l'idée de l'artisanat et du local, qui semble grandir dans la communauté pêche en France, j'ai également un partenariat pour les boites avec mon très cher ami Bastien et surtout son papa Charly. En effet, à Cazères (31), Charly confectionne des boîtes en bois avec diverses essences qu'il personnalise.

Vous pouvez retrouver ses modèles rustiques que j'affectionne particulièrement ainsi que des récupérateurs de fil (cf. photo) ou des stylos sur sa page facebook : Charly M

Récupérateur de fil Charly M

 

Tous les 4, je les remercie chaleureusement pour leur soutien à cet événement unique!

 

 

 

Sa vision dans la gestion des milieux aquatiques

 

 

Selon toi, de quels maux souffrent le plus les cours d’eaux de ta région ?

 

Nous sommes assez préservés ici mais certaines pratiques et certains comportements perdurent (pollutions diffuses, décharges sauvages etc). La bactériologie est encore trop élevée de manière globale sur les Nives et le travail de fond du syndicat de la Nive doit se poursuivre au sein de la nouvelle collectivité Pays Basque (croisons les doigts).

 

Des rivières encore préservées...

 

Le plus impactant reste pour moi l’urbanisation du bassin versant et la multiplication des activités. En quelques années, j’ai vu le régime hydraulique de certains ruisseaux, changer du tout au tout. On voit des zones de montagnes mises à nue, des pistes ouvertes, des bâtiments construits à gauche à droite et des ruisseaux busés, des prairies drainées. Les nombreux produits chimiques de notre quotidien sont maintenant présents très haut en tête de bassin. Même si plus de 30 stations d’épuration ont vu le jour sur le bassin ces 20 dernières années, elles ne filtrent pas ces nouvelles substances dont on ne connaît pas l’impact exacte. La quantité d’eau est aussi un sujet délicat avec des étiages de plus en plus marqués et long.

 

 

Heureusement, il y aussi beaucoup de positif sur le territoire comme la multiplication des agriculteurs qui passent en Bio, l’animation agricole pour favoriser de bonnes pratiques respectueuses des cours d’eau ou l’arrêt des phytosanitaires par les communes et collectivités du bassin. Il y a une multitude d’actions mises en place par les différents acteurs (AAPPMA, Syndicat) qui améliorent les choses petit à petit.

Si tu avais tous les pouvoirs, quelle politique de gestion des milieux aquatiques mettrais-tu en place et quels en seraient les moyens ?

 

Dans le meilleur des mondes, au lieu de nationaliser des entreprises je nationaliserais les cours d’eau. Je redonnerais les compétences et les moyens à l’état pour restaurer et gérer l’espace rivière dans sa globalité avec en ligne de mire, la préservation d’un bien commun. Cette utopie est un peu brutale mais bon…

 

 

Dans un autre monde, je tenterais de mettre en place un véritable corridor autour des cours d’eau, une sorte de bande de non-agression. Je réfléchirais surface de bassin versant, occupation des sols et impacts induits. Je resterais pragmatique. Je m’efforcerais surtout de valoriser financièrement les initiatives des différents acteurs pour la prise en compte de la préservation des cours d’eau. C’est facile de demander à un agriculteur de changer quelques choses mais encore faut il pouvoir lui proposer une solution sans qu’il perde d’argent !

 

 

Plus que tout, je militerai pour valoriser les cours d’eau comme richesse et surtout comme support d’une activité économique dense et diversifié. Aujourd’hui, la rivière semble ne rien valoir (financièrement parlant) alors qu’elle représente un trésor inestimable.

 

Pour te faire une idée, quasiment toute la côte basque boit l’eau de la Nive et tout l’intérieur boit l’eau de plusieurs sources ou affluents ! Rien que ça, ça pose le contexte ! Pourtant, on vient de ramasser 6 tonnes de déchets lors du nettoyage annuel organisé par l’ex Syndicat du bassin versant de la Nive (aujourd’hui Communauté d’agglomération Pays Basque) la semaine avant l’ouverture ! On a l’impression que tant qu’il n’y aura pas de catastrophe, on ne considèrera pas ce patrimoine à sa juste valeur. Les choses changent, puisque chaque année, la mobilisation pour cet événement s’accroit. On aimerait que ça aille plus vite mais dans le domaine de l’environnement, tout est une question de temps et de prise de conscience.

 

Selon toi, qu’est ce qu’une gestion halieutique efficace ?

 

La gestion halieutique c’est compliqué, on fait avec ce que l’on a et c’est un vaste sujet. Je me garderais bien de dire quelle gestion est plus efficace qu’une autre. Tout dépend des objectifs… Ce qui est sûr, c’est que l’halieutisme rassemble beaucoup de « politiques de gestion » différentes sous le même nom et qu’il est difficile de satisfaire toute une population de pêcheurs avec une seule ligne directrice.

 

 

La raison voudrait qu’on adapte l’activité pêche à la réalité de terrain en tentant des choses novatrices en termes de règlementation. Par exemple, les fenêtres de captures sont plus en adéquation avec le fonctionnement naturel d’une population de truites que les actuelles tailles légales. Pourquoi ne pas essayer surtout, de mieux partager les ressources piscicoles au fil d’une saison en évitant les abus (quota annuel). Je parle d’abus car je connais d’excellents pêcheurs des Nives qui gardent 800 truites par an ! Vaste débat donc !

 

 

 

Son expérience de la compétition mouche

 

 

Tu as eu une expérience dans la compétition avec 3 années de pratique où tu es passé de la promotion nationale à la 1ère division en 2 ans. Que retiens-tu de ces années ? Est-ce qu’elles t’ont servi dans ta façon d’aborder la pêche ?

 

Ces 3 années m’ont permis d’apprendre énormément. J’ai eu la chance d’être bien entouré et de faire des belles rencontres. Comme je te l’ai décrit plus haut, c’est pour moi une école incomparable. La dernière année, j’ai surtout compris ce qui fallait faire et ne pas faire. Il est impensable d’arriver en D1 sans se préparer, sans être gavé de pêche pour que les automatismes répondent présent le jour J. Quand tu te confrontes aux meilleurs, tout va très vite et tu n’as pas le droit à l’erreur.

 

 

D’une manière générale, cette expérience a changé ma façon de pêcher. Elle m’a amené beaucoup de polyvalence et de capacité d’adaptation. Je parcours beaucoup moins de linéaire en pêche de loisirs maintenant. Je pêche moins à l’instinct et je tente de comprendre ce que je fais à chaque sortie. Je suis beaucoup plus serein car je suis aujourd’hui persuadé que quand ça ne mort pas, c’est que je ne fais pas ce qu’il faut. Le poisson lui, n’y est pour rien.

 

 

Cette façon de voir les choses, c’est ce que j’essaye de transmettre à mes stagiaires. Cette expérience de la compétition m’a convaincu qu’une grande partie de la réussite de la pêche est liée à une somme de détails techniques qu’il faut mettre en place bout à bout. Aucun de ces détails ne doit être laissé de côté sous peine d’échec (même par « fainéantise » je dirais). C’est une sorte de suite logique qui fait qu’une bonne gestuelle génère une bonne dérive qui finit par prendre un poisson, ou que le bon poids d’une nymphe déclenche la touche car il permet de passer à la bonne hauteur et à la bonne vitesse.

 

 

 

Que penses-tu du niveau des compétiteurs en France ?

 

Je n’en pense que du bien et j’ai la chance de pouvoir le comparer à celui des compétiteurs espagnols, qui ne sont pas manchot eux non plus !

 

De mon point de vue, je dirais que les Français me semblent plus subtiles dans leur technique. Cette approche délicate, je pense qu’elle provient essentiellement de la technicité de la pêche sur les rivières Françaises. Pas besoin de partir à l’autre bout de la planète pour s’apercevoir que le niveau technique nécessaire pour faire une belle partie de pêche en France est très élevé. Il suffit de comparer quelques parcours des pays frontaliers (Italie, Espagne, Allemagne, Belgique) pour comprendre que la France est un sacré terrain d’entrainement pour les compétiteurs.

 

 

Cet aspect n’est à mon avis pas étranger au fait que la France fasse partie des meilleures nations aux monde. Nous n’avons pas autant de poissons issus de piscicultures, de parcours privés où la pression de pêche est limitée, mais la gestion patrimoniale à la française, qui a laissé de côté les déversements, les alevinages et les boites Vibert, a également ses vertus !

 

 

Pour contacter Glenn Delporte : 06.66.60.84.42 ou Made in River

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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 11:50

En cette période humide de fermeture, je reprends les interviews et c'est avec grand plaisir que je reçois ici aujourd'hui Denis Belaigues qui a choisi de nous présenter rapidement l'Ance du Nord.

 

Denis Belaigues 1

Denis Belaigues

 

J'ai connu Denis en Limousin. Ce fut mon stagiaire à la Maison de l'Eau et de la Pêche de la Corrèze. Certainement le meilleurs stagiaire que j'ai eu. Doté de grandes capacités pédagogiques et d'une excellente connaissance du milieu aquatique. 

 

Denis est un pêcheur que je qualifierais de nomade. Il adore bouger, découvrir de nouvelles rivières que ça soit en France ou à l'étranger.

 

Denis TRF GO (7)

 

Denis s'est spécialisé dans la pêche en sèche des gros poissons, une technique qui demande une grande discrétion en plus d'une très grande patience. Et c'est ce qui m'impressionne le plus chez Denis. Cette faculté à pouvoir faire le héron pendant des heures en attendant qu'un nez crève la surface au milieu d'un poste prometteur. Moi, si je suis patient, j'attends tout au plus 30 minutes (et encore ...). Lui est capable de scruter un poste pendant des heures sans le moindre doute. 

 

Denis TRF GO (2)

Sèche et Gros poisson : la pêche de Denis

 

Allez Denis, présente toi un peu.

 

Je m'appelle Denis Belaigues, j'ai 32 ans et Cantalou d'origine (tu sais, les plus belles montagne du monde ). Je suis technicien rivière (mais bientôt charpentier !!) et j'habite à Marols dans la Loire. Auparavant, je suis resté 1 an et demi à Argeles-Gazost, dans les Hautes-Pyrénées. Je suis passionné de nature, de rivière et de tout ce qui s'y rattache, surtout dans le genre contemplatif.

 

Denis TRF GO (4)Une des nombreuses truites 2012 de Denis

 

Tu as choisi de nous faire découvrir l'Ance du Nord, ça tombe bien, je ne l'a connais pas.

 

Ance du Nord (1)L'Ance du Nord, photo L. Busser.

 

L'Ance du Nord, c'est ma rivière de coeur. C'est un petit cours d'eau prenant sa source dans le Puy de Dôme (63), non loin de St Anthème et se jetant dans la Loire au niveau de Bas-en-Basset (43).

 

Ance du Nord (2)Photo L. Busser

 

C'est surtout sa partie amont qui est la plus intéressante. Cette zone de plateau fait partie des rares endroits en France où l'on peut encore observer des moules perlières et surtout une jolie population indigène d'ombres commun. Il est particulièrement génial de prendre ces poissons magnifiques dans une rivière de 4 mètres de larges, méandrant somptueusement au milieu des reines des près.

 

Ance du NordPhoto L. Busser

 

En outre, l'Ance possède un fond granitique d'une couleur dorée ponctué d'innombrables herbiers de renoncules ... superbes.

 

Ance du Nord (4)

Photo L. Busser

 

Les truites sont nombreuses et de tailles modestes mais de toute beauté. La meilleure saison se situe en mai et juin, au moment où des milliers de "culs vert" éclosent tout au long de la journée. Coups du soir féeriques !

 

Ance du Nord (3)Photo L. Busser

 

Merci Denis pour cette description à la fois succincte et complète. Passons à l'interview.

 

Nicolas : Comment as-tu attrapé le virus de la pêche et depuis combien de temps pêches-tu à la mouche ?

 

Denis : Je pêche depuis le jour où à l'âge de 6 ans, j'ai pris une jolie perche (énorme pour moi à l'époque). Elle faisait 30 cm, c'était dans l'Errné en Mayenne. Depuis ce jour, je suis passionné par tout ce qui vit sous la surface de l'eau ! J'avais la chance d'habiter tout près de la Cère (15), une rivière modeste mais peuplée d'innombrables ombres. A force de voir tous ces gobages, nous voulions mon frère et moi savoir quel poisson se cachait sous le miroir de l'eau ... et à 15 ans je tenais ma première canne à mouche.

 

Sur un caillou des gorges du Tarn

En sèche dans les Gorges du Tarn

 

NC : Que représente pour toi la pêche à la mouche ?

 

DB : Pour moi, cette pêche est avant tout une communion avec la nature, un lien intime avec la rivière, la faune et la flore qui l'occupe et qui vit autour d'elle. Quand je pêche à la mouche, je contemple et je m'émerveille.

 

Denis TRF GO (1)

 

NC : Quelles sont tes rivières favorites pour la palm ? Quelle sera ta prochaine destination pêche française et étrangère ?

 

Denis : La rivière de mes débuts est la Cère mais les rivières ne manquent pas dans le Cantal. La Jordanne, la Santoire, Le Mamou, l'Allanche ont été mes premiers terrains de jeu. Autant dire que j'ai été gâté !

 

L'Allanche

L'Allanche (15), affluent de l'Alagnon dans le Cantal, une des rivières des débuts de Denis

 

Ces rivières, bien que très belle ne satisfaisaient pas ma soif de découverte et d'exploration. Par mes études et mon travail, j'ai pu découvrir mes rivières du Limousin que tu connais bien. La Luzège et ses gorges, la Diège ou encore la Triouzoune. Ce passage en Limousin a marqué un tournant dans ma pêche, de par la qualité des rivières et surtout des rencontres. On peut dire que toi et lolo m'avez vraiment changé la vision de la pêche. C'est à partir de ce moment là que je n'ai quasiment plus pêché qu'à la mouche.

 

TriouzouneLa Triouzoune (19)

 

Par la suite, j'ai découvert la Franche Comté où j'ai pris mes truites à la mouche sur la Loue ... puis la Haute-Loire et un petit bijoux de rivière extraordinnaire pour la mouche : La Dunière. J'ajouterais quelques mentions spéciales pour la basse rivière d'Ain, les Gorges du Haut-Allier, l'Espézonette, la Dourbie et sa cousine La Jonte.

 

TRF Gorges de la JonteFarios et Gorges de la Jonte : Merveilles !

 

Parallèlement à cela, et grâce à toi, j'ai découvert depuis quelques années les rivières pyrénéennes qui sont pour moi le Paradis. C'est un peu comme s'il y avait une Loue tous les 30 km ! Parmi elles, le Saison, les Nives, la Neste et le Gave d'Oloron ont mes faveurs, et surtout ce dernier.

 

Denis BelaiguesDenis et le Gave d'Oloron

 

Ma prochaine destination sera peut être pour les rivières Bretonnes et leurs saumons qui me titillent depuis plusieurs années. Quand à l'étranger, se sera l'Irlande ou le Québec !

 

NC : Décris nous brièvement le matériel que tu utilises ?

 

DB : Pour la truite, j'utilise principalement la "Monitor III" de Jacky Boileau, 10p - 10p6 soie 4-6, un moulinet Orvis Battenkill Large Arbor et une soie naturelle JP. Thébault. Pour tout ce qui est plus gros, j'ai une canne Wasler soie de 7 et un moulinet Sage Série 2000.

 

Denis TRF GO (8)

NC : Si tu ne devais utiliser que 3 mouches de ta boîte, ça seraient lesquelles ?

 

DB : Un éphémère montage parachute gris/kaki en 18. Un tricho en chevreuil en 16 et un tricho en coq limousin en 18.

 

Ephemere montage parachutte  trico chevreuil  trico limousin

Ephemère parachute                           Tricho chevreuil                            Tricho Limousin

 

 

NC : Depuis quelques années, tu recherches principalement les gros poissons en sèche. Quelles sensations te procurent cette pêche ?

 

DB : J'ai depuis toujours été fasciné par les grosses truites. Pendant longtemps j'ai rêvé de pouvoir un jour m'attaquer à ces poissons qui me hantaient. Au fil des années, j'y ai consacré de plus en plus de temps, en France et à l'étranger. Mais cette quête est vraiment une pêche d'abnégation car j'ai vu, décroché et cassé avec beaucoup de grosses truites avant d'arriver à en prendre une. Mais quelques soit le résultat, chacun de ces moments me procure une énorme montée d'adrénaline. J'ai le coeur à 120, surtout si la belle se trouve à quelques mètres !!!

 

Denis TRF GO

 

NC : Quel est ton meilleur souvenir au bord de l'eau ?

 

DB : Sans conteste ma prise de ma plus grosse truite prise en sèche à ce jour sur le Gave d'Oloron.C'était en avril 2012. En mars, à l'ouverture, j'avais repéré une truite dans une retourne que j'avais abandonnée pour prendre une truite de 59 qui était jusqu'alors ma plus belle truite prise en sèche. Quelques semaines plus tard, je retourne au même endroit, histoire de voir ce poisson de plus près. Je l'observerai pendant plus d'une heure sans pouvoir la prendre. Un beau mâle à la gueule énorme que j'estime un peu plus petite que mon poisson de l'ouverture.

 

Denis TRF GO (13)

 

15 jours après, je récidive. Je l'attaque cette fois différemment et après une heure de patience, je la rate au ferrage ! J'enrage, remet en question mon temps d'attente avant de ferrer. Je décide malgré tout de revenir dès le lendemain...

 

Denis TRF GO (11)

 

Elle est toujours là. Faisant le même parcours dans sa retourne. Je n'ai à chaque fois que quelques dizaine de secondes pour lui présenter ma mouche et 3 heures passent !! Un moment, le grand mâle passe à moins de deux mètres de moi. Je crois tout perdu, pense qu'elle m'a vu. Mais le poisson se poste ! Je pose ma mouche, devine un gobage et ferre ! Elle est au bout ! Le combat lourd et puissant durera un bon quart d'heure mais ne me posera pas trop de difficulté, la truite se battant dans une fosse profonde. Ce poisson, celui de mes rêves avec sa gueule monstrueuse accusera 63 cm !

 

Denis TRF GO (12)Denis et sa truite de rêve !

 

NC : Vraiment incroyable ce poisson, une merveille ! Je me rappellerais toujours quand tu m'as annoncé la prise de ce poisson de malade ! Bon Denis, quelle est ta tactique pour ce genre de traque car je sais que tu n'en es pas à ton coup d''essai !

 

DB : Ben mon problème c'est peut être que je n'aime pas trop avoir de tactique à la pêche ! On va dire que je suis plutôt du genre héron et que je peux passer des heures sans bouger sur un caillou, juste pour observer ce qui se passe. Bien souvent, au bout d'un certain temps, tout s'anime. Ici une truite se balade ; là, deux se poursuivent ; une autre gobe à mes pieds ... si l'on ne fait que passer, on loupe souvent la vie de la rivière.

 

Denis TRF GO (3)

 

NC : En recherchant les big fish, quels sont les erreurs à éviter ?

 

DB : J'ai vraiment très peu d'expérience, ou plutôt si, avec toutes ces grosses que j'ai loupées ! La majorité du temps, les erreurs viennent du matériel, genre frein mal réglé, connexion soie/bas de ligne faite à l'arrache, noeuds sur la pointe ... Quand tout cela est vérifié, reste l'indispensable, refaire son noeud d'accroche de la mouche, voir sa pointe chaque fois que l'on tire trop dessus (poisson ou accrochage).

Pour le reste, je dirais qu'il faut surtout anticiper, regarder qu'elle va être la position de la canne au moment du ferrage et pendant le combat (branches gênantes, talus, ...), les endroits où le poisson ne doit pas aller, les places où l'on pourra le mettre facilement à l'épuisette...

 

Denis TRF GO (5)

 

NC : Qu'est ce qui te fait râler avant, pendant, ou après une partie de pêche ?

 

DB : Ce qui me fait le plus râler c'est d'avoir l'impression de ne pas avoir pris la bonne décision au bon moment !

 

Denis TRF GO (6)

 

NC : A tes yeux, qu'est ce qu'une belle rivière à salmonidés ? As-tu trouvé en France ou à l'étranger cette rivière idéale ?

 

DB : Pour moi, une belle rivière est avant tout une rivière sauvage et préservée! Cela paraît utopique mais il en existe beaucoup en France, en particulier les secteurs de gorges souvent peu dénaturés, surtout s'il ne dépend pas de débit réservé. La Loire vers sa source, l'Espézonette, l'Ance du Nord, la Dunière, les Gorges du Haut-Allier, la Jonte ou les rivières du Plateau de Millevaches sont autant de belles destinations françaises. Quand à l'étranger, je citerais la Gacka en Croatie, La Neretva en Bosnie, certaines rivière du nord du Portugal, la Bella en Slovaquie...

 

Dans le nord du PortugalRivière du Nord du Portugal

 

NC : Même si dans les Pyrénées nous avons de beaux cours d'eaux, ils ne sont néanmoins pas exempts de perturbations. D'après toi, de quels maux souffrent le plus nos rivières Pyrénéennes ?

 

DB : Les rivières des Pyrénées ont pour la plupart la même caractéristique, elles sont torrentielles et subissent la fonte des neiges. C'est un avantage de par le "nettoyage" automnal et printanier qui est une vraie bouffée d'oxygène, une sorte de "turn-over" permettant de créer une véritable dynamique sur la faune et la flore. Mais ce régime a aussi un inconvénient : l'application d'une politique de gestion des crues parfois drastiques, notamment pour la ripisylve et les berges qui s'artificialisent.Les rivières Pyrénéennes ne sont pas un paradis que pour les pêcheurs, elles le sont aussi pour les sports nautiques qui induisent l'enlèvement systématique des embâcles pourtant si cher à nos belles mouchetées. Enfin, les Pyrénéens comme d'autres d'ailleurs ont longtemps pris nos cours d'eaux pour des exutoires à déchets et nous en payons encore aujourd'hui le prix. En témoigne les innombrables déchets jonchant les berges du Gave du Pau après sa crue de l'automne 2012. Déchets provenant des multiples décharges situées dans son lit majeur.

 

Denis TRF GO (9)

 

NC : Quel est ton actualité halieutique et tes projets d'avenir ?

 

DB : Continuer à passer un maximum de temps au bord de l'eau, et dans les airs ... car les Pyrénées sont aussi un paradis pour le ... parapente !

 

Sur la Neste avec Cyril

Denis et son pote Cyril lors d'une journée inoubliable de crise de rire sur la Neste !

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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 20:26

La truite est fermée. Les interview reprennent dans la rubrique "une rivière / un pêcheur". Aujourd'hui, c'est Frédéric Lacroix que je reçois sur ce blog. Je l'ai rencontré quand j'ai intégré le Club Mouche Pyrénéen en 2007. Il m'a fallu seulement quelques minutes pour savoir que je m'entendrais bien avec lui. Discret et sincère, Frédéric Lacroix est l'anti-thèse du fort en gueule. Il n'en dit pas beaucoup, très peu même. Mais il pêche le bougre. Et pas que des ragnolles. 

 

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    Frédéric Lacroix

 

Frédéric Lacroix est un ingénieux, un chercheur. Il recherche la perfection autant dans l'utilisation de son matériel que dans sa technique de pêche. Il est en constante évolution. Fred, c'est aussi une approche très particulière de la pêche à la mouche. Le genre de pêcheur a ne pas aller à la pêche car on est le 6ème jour du dernier quartier de lune, que le rossignol n'a pas chanté à 7h47, et que sa commission du matin flotte au lieu de couler !

 

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Enfin, Fredéric est secret. S'il parle ici du Saison de façon si généraliste, c'est qu'il n'aime pas dévoiler ses coins de pêche. Il les partage uniquement avec des gens de confiance. Et internet n'est pas une personne de confiance. Je respecte donc sa décision d'esquiver certaines de mes questions ... à toi la parole Fred.

 

Je m'appelle Frédéric Lacroix, j'ai 42 ans. Je suis Tourneur Fraiseur à Oloron. J'habite à Lurbe Saint Christau, très proche du Gave d'Aspe. La rivière que j'affectionne particulièrement se trouve au Pays Basque, pas très loin de chez moi à environ 20 minutes de route. Sur le Saison, les postes sont très variés. Toutes les pêches à la mouche peuvent y être pratiquées.

 

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Je pêche la partie qui se trouve entre Mauléon et les deux rivières qui forment le Saison (Le Saint Engrace et Le Larrau). Le Saison est peuplé de nombreuses truites de toutes tailles. Les surprises de prendre un beau poisson ne sont pas rares et  c'est sans doute pour cela que j'aime cette rivière.

 

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Les locaux y sont accueillants si vous les respectez. Juste une question de politesse et de courtoisie. L'AAPPMA qui s'occupe du secteur est formée de jeunes qui se bougent et le résultat est visible par la qualité de cette rivière.

 

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nicolas : Fred, comment as-tu attrapé le virus de la pêche ?

 

FL : C'est mon père qui m'a transmis ce virus. Il pêchait au toc. Il m'a amené au bord de l'eau dès l'âge de 3 ans.

 

nicolas : Depuis combien de temps pêches-tu à la mouche ?

 

FL :  La pêche a toujours été une passion dévorante et la pêche à la mouche est arrivée vers l'âge de 15 ans. J'ai été l'un des premiers stagiaires à l'école de pêche de Tolderer. Ce fut pour moi une réelle découverte. A l'époque j'habitais au Pays Basque et les Nives ainsi que Le Bastan à Bidarray étaient mes terrain de jeu favori. Dure école !!!

 

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nicolas : Tu habites dans les Pyrénées-Atlantiques, un magnifique département. Quelles sont tes rivières favorites pour pratiquer la pêche à la mouche ?

 

FL : C'est vrai que j'ai beaucoup de chance d'habiter les Pyrénées. Il y a beaucoup de rivière à pêcher. J'aime en changer souvent. Changer de profil et découvrir de nouveaux parcours. Toutes les rivières du département sont belles mais les périodes favorables sont différentes d'un cours d'eau à l'autre. Alors je m'adapte. J'aime aussi beaucoup aller en Espagne, toute proche. J'adore ce pays et les truites zébrées y sont magnifiques.

 

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nicolas : Décris-nous brièvement le matériel que tu utilises en rivière ?

 

FL : Pour les cannes, des Marryat Tactical première version 10p soie de 4 et soie de 5. Mes soies sont des Cortland DT3 et Devaux DT4. Les bas de lignes ? Vaste sujet ! J'ai longtemps pêcher avec des soies naturelles Loukas et un bas de ligne tressé "maison". C'était très bien. Mais j'ai du changer car ces soies naturelles ne se font plus. D'où les synthétiques DT et bas de ligne à noeuds. Après de nombreux essais, j'ai trouvé une formule assez polyvalente : des brins dégressifs en diamètre mais de longueurs égales. Surprenant mais cela me convient. Il est très polyvalent.

 

 

mouche

 

nicolas : Si je te demande de ne retenir que trois mouches de tes boites. Lesquels prends-tu ?

 

 

FL : un sedge Zc13, une oreille de lièvre casquée et un petit poil de chevreuil.

 

 

 

nicolas : quel fut ton meilleur souvenir au bord de l'eau ?

 

FL : Il y en a beaucoup. Mais cette année un très beau poisson m'a comblé de joie. C'était une après-midi rêvée par tous les pêcheurs pyrénéens : un temps humide, des averses de crachins, tout pour déclencher de belles éclosions. J'arrive sur la rivière et il y a des gobages. C'est un bon début. Quelques prises viennent récompenser mes dérives en sèche. Puis soudain tout s'arrête. Je décide alors de passer en nymphe au fil. En 12/100ème. 

 

Je remonte un peu la rivière et je m'aperçois que les poissons sont actifs. Ils se nourrissent au fond. Les poissons se succèdent sans trop de difficulté. Je me trouve entre deux grosses fosses au bord d'un courant vraiment très puissant. Un rocher de petite taille attire mon attention mais impossible de traverser. Il y a derrière ce rocher un bel amorti dans 60 cm d'eau.

 

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Je lance ma nymphe sans plus m'approcher. La dérive commence et le fil s'arrête net. Je ferre et là, je sens un beau poisson mais sans plus. Il se débat, je le monte un peu en surface et là je vois une lueur rose. Je commence à râler en me disant que c'est une arc. Voilà que le poisson commence à dévaler la rivière. Je le suis, mais au milieu de la rivière, un gros bloc forme deux bras. Le poisson veut partir côté droit où je ne pourrais pas suivre. Je le bride pour le faire passer côté gauche et le revoilà reparti de plus belle avec des coups de têtes brutaux. Je résiste. La truite arrive dans une partie plus calme. Je n'ai pas mon épuisette (intervention de nicolas : GROS MALIN !). Je tire un peu sur le poisson et là j'aperçois sa tête avec de nombreux points noirs. Aucun doute, c'est bien une fario.

 

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Je n'ai qu'une solution : faire échouer ce poisson magnifique. Après plusieurs tentatives j'y arrive. Je vois ce poisson superbe mais je ne me rends pas encore compte de sa taille. Je prends la précaution de ne pas abîmer ce poisson. Je sors mon mètre et là j'hallucine. Le mètre se déroule sans s'arrêter. Je n'en reviens pas. Je recontrôle. Pas d'erreur. La truite fait bien 69 cm. Je suis tout tremblant après ce moment. Je remet la truite dans son élément et elle ne tarde pas à repartir avec vigueur. Je regarde cette fario s'en aller en me disant qu'elle sera sûrement la plus grosse truite de ma vie en rivière. Un énorme souvenir. J'étais comme un gosse après cette prise, j'ai téléphoné à Julien.

 

Nicolas : Julien ? Daguillanes ? Le pêcheur de sardine ?

 

FL : Oui ! Je lui ai téléphoné de suite pour lui annoncer la nouvelle. Il fallait que je partage ce moment avec lui qui pouvait comprendre ma joie. Je ne pouvais plus pêcher après çà. Une belle émotion.

 

 

nicolas : Oui vraiment, c'est un poisson splendide. Qui doit d'ailleurs rattraper les journées de poisse que tu as eu cette saison ! Raconte nous ta pire journée au bord de l'eau cette année !

 

FL : Oui c'est sûr, j'en ai eu pas mal cette année. La pire ? Casser deux cannes en une heure de pêche ! Un record. C'était l'ouverture en Espagne et j'avais très envie de pêcher ... la sortie s'est vite abrégée !

 

nicolas : Quel est le poisson qui t'a donné le plus beau coup de ligne ?

 

FL : Un beau poisson en Espagne, pris en nymphe à vue en 8/100. Un truc de fou !!!!

J'avais repéré ce poisson la semaine avant mais je ne pouvais pas le pêcher car je n'étais pas sur la bonne bordure. Une semaine après me revoilà sur le coup. Long bas de ligne, pointe en 8/100, une nymphe sur hameçon de 20 et je suis prêt. Mon compagnon de pêche est avec moi. Après 5 minutes de prospection, je vois la truite qui remonte. Une belle zébrée de plus de 50. Magnifique. Il est temps pour moi d'être adroit. Je lance vers sa trajectoire, elle arrive vers ma nymphe timidement et ouvre la bouche pour s'en saisir. Je lui vois le blanc de la gueule. Elle referme : je FERRE gentiment. Elle part direct dans la bordure pleine de branche et le saute à l'eau pour la contrôler. Je la bride, elle se décale et fonce dans le courant. Je la suis, elle commence à fatiguer et moi aussi. Je détache l'épuisette ... elle est dedans ! Un bon moment !!!!

 

Fred5

 

nicolas : Frédéric, tu as fait de la pêche de compétition. Qu'est-ce qui t'a poussé à commencer un jour la compète ?

 

  FL : Lorsque j'habitais au Pays Basque, j'ai assisté au Championnat de France sur la Nive en 1988 ou 1989. J'étais émerveillé par ce spectacle. C'est à ce moment que j'ai rencontré Maurice Guiard, du Club mouche des Capitouls à Toulouse. Il m'a expliqué la démarche à suivre pour faire des compétitions. Il me restait beaucoup à apprendre.

 

En 1993, deuxième championnat sur les Nives. Et là, autre découverte : la pêche à la nymphe au fil. Enfin, plutôt la pêche au GROS bouchon. J'étais surpris par cette technique nouvelle, peu élégante pour moi qui m'appliquais à pêcher en sèche. J'étais perplexe.

 

Ma première compète fut sur la Vézère à Bugeat (19)... dans une eau marron. Le vainqueur de cette épreuve fut Patrice Daguillanes.

 

nicolas : Patrice ? Daguillanes ? L'autre pêcheur de sardine ?

 

FL : Oui !

C'est à partir de ce moment que j'ai côtoyé la famille Daguillanes. Une bien belle rencontre et une belle amitié. Des pêcheurs chevronnés et passionnés. Leur talent n'a d'égal que leur gentillesse. Énorme. Ils m'ont beaucoup appris. Merci à eux.

 

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nicolas : Tu étais parmi les meilleurs compétiteurs rivière.Tu as même me semble-t-il participer aux sélections de l'équipe de France avant qu'une vilaine blessure persistante de ne t'empêche de poursuivre. Après quelques années d'arrêt, n'as-tu pas envie de t'y remettre ?

 

FL : Ce fut un énorme regret que d'avoir du arrêter comme çà. J'ai très envie de revenir mais pour cela il faut que je sois sûr que ma santé me le permette. Je fais tout pour cela. Grâce à mes amis, je suis toujours les compètes et j'essaie de me tenir au courant des dernières techniques qui donnent de bons résultats.

 

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nicolas : Qu'elles sont d'après toi les qualités indispensables pour être un bon compétiteur ?

 

FL : Une bonne condition physique et un gros mental. Ne rien négliger en ce qui concerne le matériel pour éviter de perdre du temps. Et puis pêcher le plus possible pour s'entraîner et essayer de nouvelles choses. La pêche de compétition est un sport comme tous les sports, où les techniques évoluent. Il faut suivre l'évolution.

 

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nicolas : Qu'elles sont les erreurs à éviter ?

 

FL : Une mauvaise préparation. Il est par exemple important d'analyser son parcours, même en perdant 10 minutes, c'est pas grave. Gérer son temps en compétition est très important. Il est frustrant après trois heures de pêche de ne pas finir son parcours alors que la plupart des jolis coups étaient sur le haut.

 

nicolas : Raconte nous ta plus belle manche lors d'un Championnat de France de pêche à la mouche.

 

FL : Il me reste beaucoup de très bon souvenirs. Une manche sur le Verdon notamment où avec un niveau d'eau à l'étiage, le dimanche après-midi par 35 °C je prends un poisson à 20 minutes de la fin qui m'assure une belle place au classement final. Une autre fois dans les Vosges, le vendredi soir, je vois que je tourne avec un bon, Bertrand Jacquemin. Quel bonheur !!! Un Vosgien chez lui, il va me mettre la misère. Et bien non, le dimanche soir, j'étais sur le podium et devant Bertrand, mdr ! Un week-end parfait pour moi et un seul poisson décroché au total sur l'ensemble des manches.

 

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Un podium d'une manche de championnat de France de pêche à la mouche. De gauche à droite : Eric Lelouvier, Jean-Guillaume Mathieu, Frédéric Lacroix

 

 

nicolas : Parlons maintenant un peu d'environnement. Nos rivières sont fragiles, tu le sais bien. Beaucoup d'entres elles souffrent de divers maux. Si seulement deux de tes voeux pouvaient être exaucés, lesquels seraient-ils ?

 

FL : Le manque d'eau de ces dernières années nous font apparaître des pollutions chroniques. Présence d'algues brunes, fonds de rivières colmatés, disparition de certaines espèces d'invertébrés. Tous ces signes doivent nous alerter. Si l'habitat de nos cher salmonidés ne leurs convient plus, il n'y aura pas d'avenir.

 

Je m'étonne souvent de voir des habitations qui se multiplient un peu partout. Une augmentation de population et malgré cela la capacité des stations d'épuration n'augmente pas. Nous tous devons travailler sur l'amélioration du milieu naturel.


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Personnellement, je pense que nos actions doivent devenir plus virulentes. Je m'explique : si lors d'une partie de pêche, nous constatons un rejet dans notre rivière qui peut paraître suspect, il faut contacter immédiatement le CSP (désormais ONEMA), pour que ces personnes fassent un constat et surtout une analyse. Si au bout de quelques mois rien ne bouge, alors il faut passer à l'acte : raccorder ce rejet à tuyau qui se déverserait directement sur la place du village !!!! Alerter la presse locale et informer la population des risques de pollution de la rivière. Les sensibiliser sur ce que peut coûter le traitement de l'eau, leur dire que plus l'eau sera polluée, plus les traitements seront importants, plus le prix de l'eau sera cher. A partir du moment où l'on parle de payer plus cher quelque chose, l'opinion publique est de suite plus réceptif. Ainsi, nous ne serons plus des dizaines à râler. Bon, c'est un peu radical, mais plus c'est gros, plus ça marche. Pour avoir lutter pendant des années et maintenant encore contre un projet routier débile dans ma vallée, plus on fait du bruit, plus ça marche. Les médias sont un outil indispensables. A méditer !!!

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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 18:18

          Voilà bien longtemps que je n’avais pas fait d’interview. La série « une rivière, un pêcheur » revient en force ce mois ci. Pourquoi interviewer Frédéric SERRE, quelqu’un que je ne connais pas ? L’homme, le pêcheur, l’innovateur, le monteur, le biologiste, l’engagé, le réalisateur m’attire. Voilà pourquoi cette interview est riche, Frédéric est tout cela à la fois.

 Fred-Serre 1310 Frédéric Serre

 

          Je le rencontre pour la première fois indirectement à travers un site internet qui vient de voir le jour : Gobages.com. Puis grâce à un film qu’il vient de réaliser : « Pêche à la Mouche sur la Dordogne » où je découvre un pêcheur amoureux de sa rivière, un excellent réalisateur et un homme impliqué pour dénoncer les méfaits de l’hydroélectricité. Ce film me fera à la fois rêver et pleurer.    

   

          Depuis longtemps, je suis parti dans les Pyrénées. Quel ne fut pas ma surprise de voir un jour sur la Neste Frédéric qui tente en sèche les truites sur ce lisse surpêché. Je l’observe. Cette fois, je découvre l’excellent pêcheur… Puis le grand malade : le type qui se tape 3 heures de route, pour voir si la truite ancestrale d’un petit ruisseau de montage des Hautes-Pyrénées n’a pas disparue !

   ancestralenesteSouche ancestrale d’un ruisseau du bassin de la Neste

           

          Bon. Déjà que l’interview est longue, alors si en plus j’en rajoute, on n’est pas couché ! Aller Fredéric, c’est à toi. La coutume sur ce blog, c’est que tu te présentes puis que tu nous fasses découvrir la rivière de ton choix. Après, on passera à l’interview.

 

 

          Je m’appelle Frédéric SERRE, j’ai 43 ans. Je suis marié et j’ai deux filles. J’habite à l’est de la Dordogne. J’enseigne dans un lycée en Corrèze. Coté loisir, je fais un peu de photo, d’Internet, quelques films, je joue encore au foot loisir avec quelques copains, j’adore chercher les champignons notamment les truffes dans mes truffières et je vais parfois à la pêche .

 

Je vais parler de la rivière sur laquelle j’ai commencé à pêcher à l’âge de trois ans : la Dordogne.

 

          C’est un cours d’eau atypique que je fréquente en aval des grands barrages, d’Argentat à Cénac, soit un linéaire de plus d’une centaine de kilomètres. Bien que classée en deuxième catégorie piscicole, elle abrite de nombreux salmonidés.

 

automne

La Dordogne à Argentat

 

          Entre Argentat et Beaulieu, dans son parcours corrézien, son lit est assez encaissé dans une vallée étroite et vallonnée. C’est le royaume des ombres communs et des truites sauvages. C’est une zone où la rivière qui fait entre 50 et 100 m de large a un profil varié, alternant les radiers peu profonds avec des fosses et des secteurs rocheux. C’est la zone où la perturbation thermique induite par les barrages influence le peuplement piscicole au profit des salmonidés. C’est aussi malheureusement la partie la plus impactée par les éclusées. J’y pêche surtout durant la période d’ouverture de l’ombre de mi-mai à mi-novembre. C’est la zone par excellence où on pêche en sèche car la diversité des insectes et les éclosions assez nombreuses permettent la présence assez régulière de gobages en surface. Le cadre est vraiment superbe, la vallée sauvage. C’est la Dordogne des magazines de pêche qui fait rêver une bonne partie des moucheurs français s’ils n’ont pas été dégoûtés par les coups de barrages… Malheureusement, compte tenu des éclusées nombreuses et imprévisibles, difficile d’y programmer un séjour de pêche.

   dordete Coup du soir d’été sur la Dordogne

 

          Sous cette zone très médiatisée existe une autre Dordogne, la Dordogne lotoise que je pêche assidûment de l’ouverture de la truite mi-mars à l’ouverture de l’ombre mi-mai, puis durant l’hiver après la mi-novembre. La rivière comme la vallée s’élargit. Son lit fait de bancs de graviers mobiles devient de plus en plus large et va souvent lécher de somptueuses falaises en calcaire. Le secteur concerné est très vaste. Il fait plusieurs dizaines de kilomètres. Les salmonidés sont moins nombreux, la pression de pêche est démentielle et les bons coups sont très localisés. En revanche, on y rencontre quelques très beaux spécimens car les truites de ces rivières larges peuvent atteindre de grandes tailles. Malheureusement, la pratique de la graciation n’est pas développée dans le secteur si bien que ces poissons sont rares et méfiants. Tout cela contribue à rendre la pêche difficile, mais c’est là que réside la beauté du geste : localiser sur des hectares de gravière la petite zone où se concentrent les poissons. Fort heureusement, d’une année sur l’autre, les bons postes sont souvent les mêmes.

 

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Une truite monstrueuse de la Dordogne prise en sèche par Frédéric, un coup de ligne exceptionnel !

 

          Puis il y a la Dordogne encore plus à l’aval, dans le département de la Dordogne. Même si on la pratique pour le blanc ou les carnassiers, on commence juste à s’y intéresser coté truites. Les premiers repérages sont très prometteurs. Mais il nous faudra encore beaucoup, beaucoup de sorties et de temps pour en connaître toutes les subtilités.

 

         Quel que soit le niveau auquel on la pêche, le maître mot sur cette rivière est opportunisme. Les conditions de niveau, de temps, d’activité du poisson peuvent varier très rapidement. Les périodes d’intense activité peuvent être très brèves (quelques heures) au milieu de longues périodes sans possibilité de pêche (plusieurs semaines). Une bonne connaissance des postes, des conditions favorables et une proximité avec la rivière sont alors les facteurs indispensables pour réussir des parties de pêche. Mais lorsque la rivière se livre, c’est extraordinaire. Peu de rivière en France peuvent fournir une pêche de cette qualité en terme de densité de poissons gobeurs, de taille des poissons, de diversité de faciès ou d’espèces. Etendre de la soie au devant de bancs entiers d’ombres est chose rare de nos jours en France surtout dans un tel cadre. Pouvoir dans la même journée pêcher l’ombre, la truite, le brochet, la perche ou le barbeau est tout simplement exceptionnel.

  dordhiver

 La Dordogne lotoise juste après l’ouverture de la truite.

           

  

LA PECHE

 

Nico :  Frédéric, comment as-tu attrapé le virus de la pêche ?

 

FS : J’ai attrapé ce virus tout petit, dans mon lit, en pleine nuit lorsque j’entendais mon père et mon grand-père se lever à 4 heures du matin pour aller pêcher la Dordogne. Je devais avoir 2 ou 3 ans mais cela était très frustrant pour moi de ne pouvoir les accompagner. J’étais mis à l’écart et cela ne me plaisait pas du tout même si à midi, nous les rejoignions pour pique-niquer au bord de l’eau et si ma mère me laissait pêcher mais sans hameçon… Puis, il y a eu tous ces étés passés les pieds dans l’eau de la Vézère à pêcher avec mon oncle et mes cousins, la période carpe, suivie de la période carnassiers et enfin la découverte de la mouche. A partir de ce moment là, je n’ai plus pêché qu’à la mouche. Mais le sens de l’eau acquis auparavant m’a été d’une grande utilité.

  juillet8781La Dordogne, un rêve de gosse pour Fred

 

Nico :  Que représente pour toi la pêche mouche ?

 

FS : C’est définitivement un art de vivre. Un fil rouge qui me guide dans ma vie aussi bien lors de mes moments de rêveries, que dans le choix de mes destinations de vacances. C’est une façon agréable d’aborder tout un tas de domaines aussi variés que la photo, la vidéo, Internet, les voyages à l’étranger, les relations sociales. Il ne se passe pas une seule journée sans que je pense « pêche à la mouche », que je vérifie les niveaux de la Dordogne, imagine des montages de mouche, achète un truc inutile au cas où…

 

montageLa pêche à la mouche : un art de vivre

 

 

Nico :  Qu’elles sont tes rivières favorites pour la palm ?

 

FS : Je suis un pêcheur assez éclectique. J’aime aussi bien pêcher les ruisseaux de montagne que les grandes rivières très larges. Pêcher en lac ou même en mer ne me rebute pas. Du moment qu’il y a de l’eau et des poissons, je suis heureux. Outre la Dordogne qui m’accueille le plus souvent, j’adore pêcher les rivières des Pyrénées. J’ai fait mes armes à la mouche dans le bassin des Nestes et j’aime bien y retourner. J’ai eu la chance lors de mes voyages de pêcher des rivières fabuleuses. J’ai été très impressionné par la Bow en Alberta qui ressemble à un gros gave ou la Madison au Montana. La Socca en Slovénie est aussi d’une beauté inimaginable. Mais je me sens bien les pieds dans la Dordogne et dans les torrents des Pyrénées.

 

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Un pêcheur nomade. Ici sur un affluent de la Socca en Slovénie.

 

Nico :  Au bord de l’eau, quel a été pour toi le moment le plus magique de ta vie de pêcheur ?

 

FS : Paradoxalement, cela n’a pas été avec canne en main. Ce moment magique reposait juste sur un bout de papier sans aucune valeur que j’avais en main : le ticket donnant accès au parcours nokill d’Argentat portant le numéro 001. L’aboutissement de beaucoup d’efforts, le passage en quelque sorte de la théorie à la pratique. Ce parcours nokill sur la Dordogne j’en avais tellement rêvé que le jour où il a été enfin créé, ça a été un vrai moment de bonheur. J’ai rempli mon ticket, je l’ai mis dans la boite prévue à cet effet et je suis rentré dans l’eau ; heureux.

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Le no-kill, une notion chère à Fred.

 

Nico :  Quel poisson t’as donné le plus de plaisir et à quelle occasion ?

 

FS : Le poisson qui m’a donné le plus de plaisir est un poisson que je n’ai au final jamais attrapé. Mais celui là, il m’a rendu un fier service. C’était au milieu des années 90 avec mon copain Richard. Fin mai début juin depuis quelques années nous avions pris l’habitude de pêcher les grands courants entre Monceau et Argentat en fin d’après-midi. Vers 17 heures, les sulphures sortaient mettant les ombres en émoi. Et durant des heures, un tapis roulant de mouches défilait provoquant des ronds sans que nous ne puissions faire monter un seul poisson. On en aurait pleuré. Pendant plusieurs années, nous avons tout essayé en vain pour trouver une imitation qui ferait juste lever un ombre. Avec le recul, lorsque je repense aux imitations qu’on était allé imaginer…cela me fait sourire.

 

grombreverticPuis un jour, en passant sur le Pont de Monceau, à l’angle de la deuxième pile rive de chez Maryse, un poisson montait de temps en temps. Je ne sais pas pourquoi, j’ai pris la peine d’aller le tenter, Richard restant sur le pont. Par le plus grand des hasards, j’ai positionné sur mon bas de ligne un proto perdu au milieu de dizaines d’autres et cet ombre est venu le prendre. J’étais tellement surpris que je n’ai même pas ferré. Richard faisait des bonds partout sur le pont. Il me priait de remonter au plus vite pour voir la mouche. Au risque de la perdre, j’ai continué à provoquer l’ombre et celui-ci est remonté 5 fois de suite sur l’imitation. Ce n’était donc pas le hasard, la mouche imitait bien une sulphure émergente. Je ne l’ai pas piqué mais ce poisson m’a rendu vraiment heureux car il venait de nous délivrer de la malédiction de la sulphure.

 

  L'ombre, une spécialité de Fred (ici un 50+)

 

 

Il nous a fallu encore quelques années pour fignoler deux ou trois modèles efficaces mais nous abordons désormais la période des « poussins » sans la moindre crainte.

 

Nico :  Aïe. A raison d’une sortie par an sur la Belle, il me faudra donc 20 ans pour trouver l’imitation de sulfure qui convienne !  Sinon, depuis quelques temps, tu consacres bon nombre de tes sorties à la pêche des truites au streamer en rivière, pourquoi ce changement de cap ?

 

FS : Ce n’est pas un réel changement de cap. Depuis mes débuts je tâtonne au streamer car comme je ne pêche qu’à la mouche, j’essaie d’être le plus polyvalent possible. Dans la même journée de pêche, il m’arrive souvent de pêcher tour à tour en sèche, en nymphe, en noyée et au streamer. Cette dernière technique est vraiment un beau challenge pour moi. Depuis plus de 20 ans que je pêche, j’ai quelques bases pour la pêche en sèche et s’il y a des ronds, j’ai suffisamment d’expérience pour m’amuser.

Au streamer, c’est loin d’être le cas. Je prends des râteaux monumentaux et du coup, en 2010, j’ai mis l’accent sur cette technique. En plus de permettre la prise de gros poissons qui ont un régime alimentaire piscivore, cela me permet de mettre au point des mouches, ce que j’adore. Et contrairement à la pêche en sèche où on sait vite si la mouche plaît, en noyée où on a des tirées, en nymphe où on peut voir les réactions du poisson ou les tractions sur le bas de ligne, au streamer on est aveugle. Impossible de savoir si le poste est vide ou si la mouche n’a pas intéressé le poisson présent. On n’a pas eu de touche : c’est le seul indice. Les poissons sauvages sont tellement sollicités par les leurres, les vifs, les poissons maniés qu’ils sont rendus très méfiants vis à vis des streamers. Et c’est un vrai défi que de les faire mordre. Car nos streamers, même s’ils ont des atouts, sont de bien piètres imitations de la réalité comparés aux leurres modernes à densité compensée, à bruiteur incorporé ou à bavette qui fait dandiner.  Tout comme la récupération au bras est loin d’avoir la performance d’une récupération au moulinet. A la mouche, on est handicapé mais il est passionnant de combler ce handicap pour dépasser les performances des autres techniques.  fred

Fario de la Dordogne de 66 cm prise au streamer, un coup de maître !

 

En plus de la quête de la technique de dérive ou d’animation, il y a la quête de LA mouche qui déclenche les prises qui est particulièrement excitante. Cela devrait m’occuper durant les prochaines années. J’ai déjà mis au point quelques streamers qui ont été validés pour certaines conditions. Mais il me reste tellement de situations de pêche où je suis en échec que j’ai encore de quoi courir après le Graal.

 

Nico :  Tu es l’un des rares moucheurs à pratiquer régulièrement en bateau en rivière, quels sont les avantages et les inconvénients de cette prospection ?

 

FS : Pour le moment, après quelques saisons à pratiquer ainsi, le bilan est très mitigé et il penche même du coté inconvénients. Le point positif est l’accès à certains postes de pêche inaccessibles autrement. Ce n’est pas pour cela que les poissons sont faciles à attraper mais au moins, on peut les tenter. En revanche, coté négatif, il y a la lourde logistique à mettre en place. Il faut deux bonnes heures le matin pour charger le pontoon, l’amener sur les lieux de pêche, positionner les véhicules pour le retour. Le soir, il faut presque autant de temps pour ranger le matériel.

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Pêche à la mouche en pontoon, une innovante prospection.

 

Sur l’eau, sur les postes à truites ou à ombres, il est très difficile de faire du sur place ou de s’ancrer dans les forts courants. Même avec des ancres lourdes, ce n’est pas jouable. Elles glissent sur le fond et le bateau dérive. Il est très dangereux de laisser l’ancre traîner au fond. Si elle se bloque, le bateau peut chavirer. Si bien qu’on pêche les meilleurs postes en passant vite. Un mauvais positionnement, un nœud dans la soie, un lancer mal ajusté et on vient de rater le meilleur poste sur un kilomètre. Il n’y a plus qu’à ramer pour aller au suivant. Donc, l’efficacité est très relative. Et on prend bien souvent plus de poissons en wadding lorsque les niveaux sont bons qu’en bateau lorsque la Dordogne est un peu haute. Donc, si le bateau permet de découvrir la rivière sous un autre angle, c’est loin d’être l’arme fatale coté pêche.

   

Nico :  Tu dois partir sur une île déserte où coulent de nombreuses rivières à truite, tu ne dois emporter avec ton fouet que 3 mouches, lesquelles prends-tu ?

 

FS : Sans hésiter, je prends un palmer noir, une pheasant tail et un wooly bugger. Des mouches d’ensemble qui ont pris beaucoup de poissons, qui imitent tout et rien et qui permettent de couvrir de très nombreuses situations de pêche.

   mouches

Un palmer noir, une pheasant tail et un wooly bugger (sur des truffes !), des valeurs sûres pour Frédéric.

 

 

GESTION DU MILIEU / GESTION HALIEUTIQUE

 

Nico :  Tu es Délégué Régional de l’ANPER (Association Nationale pour la Protection des Eaux et Rivières)-TOS (Truites Ombres Saumons), mais aussi initiateur du Collectif « Après Tuilières » et tu as  des responsabilités dans une aappma. Pourquoi un tel investissement personnel ?

 

FS : Au début, mon engagement c’est fait surtout au sein de l’association ANPER-TOS qui a plus de libertés pour dénoncer certaines atteintes à l’environnement qu’une fédération de pêche ou une AAPPMA. Puis petit à petit, je me suis engagé au sein des structures associatives de la pêche pour faire changer les choses de l’intérieur. J’ai essayé d’enrichir ces structures avec ma vision de la pêche. Je suis actuellement vice président de l’AAPPMA d’Argentat et administrateur de la FD 19 en charge de l’animation de la commission « pêches et parcours spécialisées ». Ces deux activités sont complémentaires pour tenter de protéger nos cours d’eau et faire évoluer les réglementations de la pêche vers des pratiques plus respectueuses.

 

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Le fonctionnement hydroélectrique par éclusée, une catastrophe pour la Dordogne. Ici macro-invertébrés et mêmes petits poissons ou alevins se trouvent piégés de même que …

 

Nico :  Selon toi, de quoi souffre le plus nos cours d’eaux ?

 

FS : Du progrès. Ici, c’est une route qui abîme un cours d’eau, là, une usine. Un peu partout l’utilisation des produits chimiques fait des ravages. Sans compter le manque d’eau qui est utilisée pour arroser, produire de l’électricité ou de la neige artificielle. Les cours d’eau en bon état sont très rares chez nous. Et malheureusement, cela ne devrait qu’empirer. Les perspectives au regard des changements climatiques annoncés sont très mauvaises, catastrophiques même pour les espèces peuplant les eaux très oxygénées.

 

eclusee2                          … que le frai des poissons mis hors d’eau

 

Nico :  Quelles sont dès à présent les mesures à prendre pour éviter un accroissement de la dégradation des milieux et quelles seraient les solutions pour aboutir à une amélioration du fonctionnement physique et biologique des rivières ?

 

FS : On est réellement face à un problème global. Notre modèle de société basée sur la consommation à tout va entraîne des modes de vie non respectueux de la planète et de son environnement. L’omniprésence de la chimie, la surconsommation de l’énergie, d’eau, le réchauffement climatique, l’agriculture intensive, l’augmentation de la population mondiale, tout converge pour aboutir à la dégradation durable des milieux naturels et des milieux aquatiques en particulier.

Si bien que les mesures qu’on peut prendre sans remettre en cause le fonctionnement de nos sociétés modernes risquent de ne pas être suffisamment efficaces pour inverser la tendance. Je suis pessimiste mais il suffit de se remémorer les endroits où nous avons pris nos premières truites pour s’en convaincre. Le ruisseau où j’ai attrapé ma première fario est aujourd’hui remplacé par un champ de maïs. Il a été recalibré puis déplacé. Et celui où j’ai pris ma première truite à la mouche n’a pas vu les points d’un salmonidé sauvage depuis de nombreuses années. Ces changements sont malheureusement irréversibles et il n’y a pas de solution miracle pour revenir en arrière.

 

Nico :  Face au laxisme de l’Administration, aux pressions des industriels, au lobbying de la culture intensive, et surtout devant l’indifférence générale de nos concitoyens, penses-tu réellement que les associations de protection de l’environnement représentent un « contre pouvoir » efficace ? Comment peuvent-elles agir ?  

 

FS : L’Administration n’est pas laxiste. Elle est au service d’une population qui numériquement croît et dont les besoins augmentent de par le toujours plus de consommation qui soutient la croissance. Il faut nourrir les gens, il faut qu’ils travaillent, il faut qu’ils puissent se déplacer, faire du ski, se chauffer, faire tourner leurs ordinateurs etc… Tout le reste n’est que la conséquence de l’augmentation de ces besoins.

  maniftuili+¿res                 

Frédéric Serre : initiateur du Collectif « Après Tuilières »

 

Les associations de l’environnement après d’âpres combats ne peuvent qu’obtenir de maigres compensations mais elles ne peuvent pas endiguer ce mouvement de fond qu’est le progrès et tout ce qui va avec.

 

Toutefois, dans notre malheur, nous avons la chance de vivre dans des sociétés qui peuvent se permettre d’avoir une conscience écologique. Cela aboutit à l’intégration de considérations environnementales à de nombreux niveaux dans les nouveaux textes de loi régissant les activités de notre société. On peut regretter que cela n’aille pas assez vite et pas assez loin mais les règlements se mettent progressivement en place. Les associations ont donc un rôle très important à jouer, dans le domaine de la veille écologique, de la revendication pour obtenir des textes plus adaptés comme du respect des textes en vigueur.

 

Car si les choses ne changent pas radicalement, d’ici 50 ans, il n’y en aura plus de truites que dans quelques rares ruisseaux d’altitude du massif central. Les Pyrénées seront un peu plus épargnées grâce au débit apporté par les orages estivaux. Mais les gens s’accommoderont de la nouvelle situation. Voilà pourquoi il faut continuer à soutenir ces associations tout en restant lucide sur nos chances de succès.

 

 

Nico :  En matière de gestion halieutique, entre le no-kill, le tout kill ou le prélèvement raisonné que s’imposent certains pêcheurs ou que permet la réglementation, un modèle de gestion n’a pas encore fait l’objet d’un véritable suivi scientifique : la fenêtre de capture. Quels pourraient être les avantages de ce modèle de gestion ?

 

FS : La fenêtre de capture présente le gros avantage de permettre aux pêcheurs recherchant des poissons trophés et aux pêcheurs qui privilégient le panier de cohabiter spatialement. Pour le moment, les amoureux de poissons trophés sont souvent cantonnés dans les parcours nokill car leurs chances de croiser un beau poisson y sont supérieures et les autres pêcheurs ont à leur disposition l’immense majorité du linéaire. Mais ils se croisent rarement.

  fredsurgaves Fred sur le Gave

 

L’idée initiale de ce mode de gestion est de protéger les géniteurs en les relâchant tout en mettant la pression de prélèvement sur les classes d’âges des poissons immatures qui sont aussi les plus représentées en nombre. En permettant la capture des poissons de 1 ou 2 ans, on satisfait les pêcheurs préleveurs. Et en remettant les adultes à l’eau, on garde suffisamment de géniteurs pour faire tourner le cycle de l’espèce. Ces gros poissons sont aussi de très bons poissons de sport. Et ils sont à même de faire venir en nombre les pêcheurs sportifs sur le parcours. Tout le monde y trouve son compte.

Ce système qui donne satisfaction dans de nombreux pays n’est toutefois pas possible en France. D’une part parce qu’il n’est pas légal de prélever des poissons immatures et d’autre part parce qu’il n’est pas encore possible de fixer des tailles élevées de remises à l’eau obligatoire. Il faudra une adaptation du système pour le transposer en France sur le plan légal.

En effet, l’Administration française ne considère pour le moment que le volet biologique des espèces pour définir les règles de leur gestion. Et comme 5 couples de truites de 18 cm sont capables de maintenir en vie une population de truites sur un ruisseau, on se réfugie derrière la gestion actuelle qui assure la pérennité des espèces pour refuser toute évolution de réglementation. Mais voilà, si 10 truites peuvent assurer la survie de l’espèce, il en faut plus pour contenter les pêcheurs.

 

Gave

 Les rivières adaptées à ce type de gestion ne manque pourtant pas en France

 

Il faut donc pour pouvoir tester la « fenêtre de capture », convaincre les fonctionnaires du ministère que la gestion piscicole doit aussi se décider avec une entrée halieutique qui se superpose à l’entrée biologique qui doit rester un préalable aux nouvelles mesures. Cela permettrait de laisser la possibilité localement, aux AAPPMA via des arrêtés préfectoraux de créer des parcours à thème pour les salmonidés (double taille par exemple), de faire varier la taille légale de capture du sandre, du brochet ou du black bass au delà de la limite « biologique » actuelle, de faire des parcours trophées pour les carnassiers avec des mesures de remise à l’eau sélective ou non etc… Donc, on garde le minimum actuel qui nous est dicté par la sauvegarde des espèces, mais on se donne la possibilité d’aller au delà de ces mesures minimales pour augmenter l’attractivité de certains parcours via certaines mesures prises à des fins halieutiques.

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La fenêtre de capture où  remise à l’eau des beaux géniteurs comme cet ombre, un nouveau modèle de gestion halieutique ?

 

Si quelques personnes au sein des instances nationales de la pêche sont convaincues que l’avenir du loisir pêche passe par ces évolutions, il y a malheureusement certains responsables, du sud-ouest de la France en particulier, qui sont particulièrement rétifs à ces mesures. Ils restent arc-boutés sur le sacro-saint principe de la simplification à l’extrême de la réglementation comme dogme pour gérer la pêche. C’est le système actuel qui a conduit l’an dernier à une baisse de 10% des effectifs des pêcheurs.

Ils se trompent car si les pêcheurs ont une réelle volonté de simplification c’est principalement dans le domaine de la réciprocité. Payer des cartes à chaque fois qu’ils changent de cours d’eau les rebute alors que s’adapter à des réglementations locales ne leur pose pas de problème dès lors qu’ils en sont informés. Il suffit de les voir sur des plan d’eau privés (parcours carpes, lacs réglementés, réservoirs mouches) pour constater qu’ils s’adaptent bien à des réglementations aussi diverses que variées.

 

La route sera longue pour arriver à faire changer la réglementation de la pêche en France, mais ce n’est qu’en continuant à participer à la vie des AAPPMA, des fédérations et autres instances officielles (club mouche, FFPML…) que nous pourront obtenir un jour ce que nous demandons.

 

 

FILMOGRAPHIE et REALISATION

 

Nico :  Tu es réalisateur de films sur la pêche à la mouche. Dans ta filmographie figurent entre autres Les carnets d’un moucheur, Sèche et nymphe à vue, Pêche à la mouche sur la DordogneDes mouches à la pêche, Peur de rien à la mouche, ... de quelle réalisation es-tu le plus fier ?

 

FS : Je suis fier de tous ces films même si les derniers réalisés sont les plus aboutis techniquement parlant. Mais je pense avoir un faible pour « Sèche et nymphe à vue » en raison de la complicité que j’ai eu avec Laurent et de la liberté totale que j’avais lors du tournage.

 

Nico :  Quel tournage t’a procuré le plus de plaisir et quel a été le plus difficile ?

 

FS : Tous les tournages sans exception m’ont procuré beaucoup de plaisir. D’une par parce qu’être au bord de l’eau est toujours un plaisir pour moi mais aussi et surtout en raison des rencontres que j’ai pu faire lors des tournages. J’ai eu la chance de filmer de très bons pêcheurs, d’une richesse incroyable, tous différents mais unis par la même passion : la pêche à la mouche. Je ne les remercierai jamais assez de s’être prêté au jeu et d’avoir à chaque fois, sans retenu, donné le meilleur d’eux même n’hésitant pas à m’amener dans leurs meilleurs coins.  

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Tournage sur la Loue

 

Le tournage le plus difficile a été certainement le dernier « Peur de rien à la mouche ». Filmer des gens entrain de pêcher des truites où des ombres n’est pas simple, mais c’est assez commun et sans réelle surprise. En revanche, attraper à coup sûr des mulets, des carpes, des barbeaux ou des tanches est tout sauf simple à la mouche. Le tournage en Espagne a été contrarié par des conditions météo exécrables tout le printemps qui ont retardé le frai des carpes et donc le tournage (impensable pour moi filmer des scènes de pêche pendant le frai). En Alsace, les aspes n’ont pas répondu à nos sollicitations et en Camargue, on a vraiment galéré pour faire mordre les carpes.  Sans compter les contraintes liées au contrat passé avec la chaîne et un montage qui devait impérativement se dérouler en studio à Paris sur dates bloquées. Bref, dose maximale de stress sur ce coup mais au final, sans doute la réalisation la plus abouti de tout ce que j’ai pu faire. Lorsqu’on regarde ce genre de films confortablement assis dans son fauteuil, on n’imagine pas le boulot qu’il y a derrière.

 

Nico :  Quelles sont les erreurs à éviter pour la réalisation de ce genre de film ?

 

FS : Plutôt que d’énumérer les erreurs à éviter, je préfère parler de ce qu’il faut posséder pour faire de la qualité. La meilleure arme pour faire de bons films de pêche est quand même d’avoir un bon bagage technique en matière de prise de vue et de prise de son. Le meilleur atout est d’être soi même pêcheur à la mouche. Et pour ne pas galérer lors des tournages, il faut s’entourer de très bons spécialistes dans le domaine.

 

Nico :  De quel matériel disposes-tu pour le tournage et le montage ?

 

FS : J’ai un bon pied en carbone, un sac à dos, un micro HF et une caméra numérique haute-déf légère et de taille moyenne. En tournage, il faut pouvoir se déplacer facilement toute la journée sans trop de fatigue, souvent à pied dans un milieu par toujours facile. Du coup, un matériel léger est très appréciable. Pour le montage, au début je montais chez moi sur mon PC. Mais maintenant, grâce à la chaîne de TV Seasons, je monte en studio à Paris. Je bénéficie d’un matériel plus complet, de l’assistance de techniciens qui gèrent le matériel et surtout d’une journée avec un ingénieur du son pour faire le mixage final de la bande son. C’est vraiment très appréciable car le son, c’est de loin ce qui est le plus difficile à gérer dans un film. Et comme je fais quasiment tout tout seul du début à la fin, c’est ce qui est le plus difficile à gérer en plus de tout le reste.

 

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« Peur de rien … à la mouche », la réalisation la plus abouti de Frédéric Serre

 

Nico :  As-tu un nouveau projet de réalisation et si oui peux-tu nous en dire un peu plus ?

 

FS : J’ai toujours des projets plein la tête, des sollicitations de ma boite de production mais je ne dispose pas du temps nécessaire pour les réaliser. Je suis à une période de ma vie ou je préfère consacrer mon temps libre à ma famille. Dans quelques années, mes enfants auront l’âge de quitter la maison, c’est le moment où jamais de leur consacrer du temps. Du coup, je privilégie mon rôle de père en ce moment. Mais quand je serai vieux , je reprendrai la caméra c’est promis.

 

GOBAGES.com

 

Nico :  Tu es Président et administrateur du site gobages.com, l’un des sites de pêche à la mouche les plus visités et comptant le plus d’inscrits. Créé en 2000, comment ce projet a-t-il vu le jour ? avec quels objectifs ? et quel futur ?

 

gobfam2beigebisnoir copieFS : Début des années 2000, c’était les années folles d’Internet. C’était nouveau, rien n’existait dans le domaine des sites de pêche à la mouche. Un forum par ci, des pages perso par là. J’avais monté des pages perso assez incisives pour dénoncer ce qui se passait sur la Dordogne et on s’empoignait pas mal sur le forum du site nokill.com. Petit à petit, des affinités sont nés au hasard des discussions. Un petit groupe de 5 internautes s’est formé et nous avons décidé d’unir nos sites et nos efforts pour inventer gobages.com.

Nous nous sommes répartis les rôles et on a créé de toutes pièces ce site et cette formidable aventure. La vie a fait que sur les 5 membres fondateurs, 3 pour des raisons diverses ont abandonné l’aventure. Seuls Jean-Yves et moi même qui nous connaissions avant sommes restés mais nous avons été rejoints par d’autres passionnés qui ont vite intégré l’équipe.

Les objectifs initiaux étaient ambitieux et ils sont toujours les mêmes aujourd’hui : promouvoir la pratique de la pêche à la mouche et du nokill.

   

 

Le monde bouge, Internet évolue très vite. L’Internet d’aujourd’hui n’est plus celui des débuts de gobages. Je suis fier du site que nous avons créés et que nous animons encore malgré des attaques incessantes pour ce que nous représentons (des moucheurs qui grâcient leurs prises), la gestion difficile de l’ego de certains membres, la concurrence des réseaux sociaux qui sans pitié siphonnent les sites traditionnels.

Mais nous faisons évoluer le site. Un énorme travail de développement nous permet de mettre désormais à disposition de nos membres de nouveaux outils comme les groupes à thème dans le cadre d’un site au look rénové doté d’un forum dernier cri.

 

De plus, nous avons un peu mûri depuis le début si bien que les discussions, même si elles sont toujours passionnés sont moins dures qu’il fut un temps. A l’avenir, gobages restera donc un lieu d’échange et de débats autour de la pêche à la mouche comme de la pratique du nokill.

 

 

 

Je tiens à remercier Matthias, Jean-Yves et Jean-Louis de m’avoir autorisé à utiliser certaines de leurs photos pour illustrer cet article et je te remercie de m’avoir ouvert les pages de ton blog. J’espère que nous aurons à nouveau l’occasion (et pour longtemps encore) de tenter ensemble les truites du nokill de Lortet lorsqu’elles sont bien canailles à faire monter sur les émergentes d’ignitas

 

A bientôt sur le net ou au bord de l’eau.

 

 

Nico : Je te remercie beaucoup Frédéric d’avoir répondu sincèrement à mes questions et d’avoir participé à l’activité de ce blog. Les photos que tu livres ici sont également superbes. Nul doute qu’un jour on se recroisera au bord de l’eau. Peut-être même sur La Dordogne. Mais cette fois ci, je te piquerai une imitation de sulfure !

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14 juin 2010 1 14 /06 /juin /2010 18:10

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Benoît CARATY 

 

C'est avec fierté que je vous présente ce mois ci un pêcheur vraiment unique. Unique car c'est avant tout mon frangin. Unique car c'est également un pêcheur polyvalent doté d'une patience remarquable, d'une exeptionnelle adaptation, toujours entrain de bidouiller une astuce. Pêcheur au coup à la grande canne ou au quiver, pêcheur de carnassiers aux leurres ou au vif, pêcheur de truite au vairon manié, aux leurres ou à la mouche, pêcheur en mer aux leurres ou appâts, bref je crois bien qu'il a tout essayé et tout lui plait.

 

Bourriche 8 kg Cher Nico et Ben 1998  SIL 135 Indre Benoît

Benoît, un pêcheur polyvalent 

 

Dès qu'il y a de l'eau quelque part, Benoît pense pêche. Du plus petit gardon jusqu'au plus gros silure rien ne lui résiste et il ne résite à rien, toujours une canne pas forcément bien rangée à ses côtés.

 

Gave du Marcadau-Cayan6(65)

Déjà 12 ans de pêche à la mouche, soit la moitié de son âge

 

Malgré qu'il soit de 8 ans mon cadet, il a commencé la pêche à la mouche 2 ans avant moi et j'avoue lui avoir piqué quelques astuces qui me servent encore aujourd'hui surtout la technique du célèbre Taon.

 

Avant l'interview, et comme le veut la coutume de ce blog, Benoît nous présente une rivière salmonicole : La Sèvre-Niortaise (79). Bon c'est à toi Ben :  

 

Benoît : Je m'appelle Benoît CARATY, j'habite dans le sud des Deux-Sèvres au bord de la Boutonne. A l'instant où je vous parle, le coulis de l'eau et le chant des oiseaux apaisent ma pensée. Celà fait 25 ans que j'ai posé les pieds sur terre, 20 ans que j'ai pris ma première canne, 20 ans que j'ai pêché ma première écrevisse avec une canne en bambou, 12 ans que j'ai commencé la pêche à la mouche.

En déplacement constant ces derniers mois, il ne me reste que peu de temps pour m'adonner à ma passion (j'habite à 1h30 de la Touvre et je n'y ai toujours pas posé mes mouches). Heureusement que mon travail d'agent technique de l'environnement à l'ONEMA me permet d'être chaque jour au bord de l'eau. 

 

adour

Benoît sur l'Adour

 

Pour l'interview, j'ai choisi de vous parler d'une rivière un peu particulière, qui comme 90% des rivières de plaine sont bien malmenées en France. Départ donc pour la région Poitou-Charente dans le département des Deux-Sèvres (79).

 

A cheval sur les terrains granitiques du sud du massif armoricain et les terrains calcaires du sud des Deux-Sèvres, ce fleuve côtier s'écoule non sans mal à travers les innombrables champs de grandes cultures. Tantôt sur la terre, tantôt sous la terre, la Sévre-Niortaise devient pérenne dès le village d'Exoudun d'où surgit la Fontaine bouillonante. S'en suit un parcours plutôt calme, jalonné de chaussées de moulins jusqu'à Niort. Puis passage dans la Venise verte du Marais poitevin et arrivée dans l'Océan Atlantique en Charente-Maritime. Au total 160 km de rivière dont je ne vous décrirai qu'un seul parcours de quelques centaines de mètres. En effet, les zones où la rivière est libre sont très rares.

 

sevre-niortaise (1)

 La Sèvre Niortaise aux environs de, dans le département des Deux-Sèvres

 

Départ donc pour le village de ....... (je vous ai dit ques les beaux parcours étaient rares, je ne vais donc pas vous dire où quand même . J'ai mis en plus des photos pourries car ça vaut pas le coup de venir ). Ici les moulins n'ont plus de chaussées, et pourtant tout va bien. Seulement quelques micro-ouvrages mis l'été pour assurer le fameux niveau d'eau auquel les gens du coin sont très attachés. Il faut dire que le département est bien connu pour ses assecs réguliers. Les gens se consolent en pensant que trois bastaings pourront permettre de garder l'eau en cas de coupure. Qu'ils se rassurent, l'eau coule toujours ... aux enrouleurs .

 

sevre-niortaise (2)

Petits radiers permettant de pratiquer en sèche ou en nymphe 

 

Sur ce parcours, vous avez l'impression de pêcher dans un décors de film de cap et d'épée : maisons à colombage, murs en pierres apparentes, petits ponts de pierre et anciens lavoirs sont sur votre terrain de jeu. Les truites fario sont nombreuses et de toute taille, issus d'une reproduction naturelle hivernale importante sur le secteur mais aussi des lâchés d'alevins que réalisent l'AAPPMA locale. Je ne jugerai pas de l'interêt de cette action, je dirais simplement que cette AAPPMA est sans aucun doute la plus dynamique des Deux-Sèvres et que même si certaines de ses actions sont discutables, d'autres en revanche méritent largement que j'y prenne mon permis (remise en état de rivière par recharge granulométrique, création de parcours no-kill, ...).

 

sevre-niortaise (3)

Un cadre de "cap et d'épée" 

 

Allez, ne vous faites pas d'illusion tout de même, nous sommes en Deux-Sèvres, les rivières souffrent. Qualité et quantité d'eau ne font pas bon ménage avec productivisme agricole. Trêve de reproches, partons pêcher.

 

 

Merci Benoît pour cette description. Nous ressentons bien le malaise qui peut exister entre d'un côté les utilisateurs de l'eau et de l'autre cette population de truite fario sauvage qui cherche à survivre. Mais avant de partir pêcher, passons à l'interview :

 

 

nicolas : Benoît, comment as-tu attrapé le virus de la pêche ?

 

Benoît : La pêche, un virus ? Oui, c'est sûr. J'avoue que le seul vaccin que j'ai trouvé c'est d'amener une canne partout où je vais, même si c'est pour pêcher 5 minutes et ne rien prendre. J'aime découvrir, j'aime être surpris et ça doit être comme çà que j'ai choppé ce putain de virus, bien aidé quand même par quelques oncles pêcheurs, et un frangin et un papa qui ont attrapé ou réattrapé ce virus en même temps que moi.

 

PER 37 Indre Benoît 1998

 Très jeune, Benoît diversifie déjà les techniques

 

nicolas : Tu pêches indifférement les poissons blancs à la grande canne ou au quiver, les carnassiers aux leurres ou au vif, la truite au vairon ou à la mouche, le bar ou l'orphie. N'as-tu pas réellement de préférence ?

 

Benoît : Cela varie en fonction des humeurs mais pour la truite, je reste un moucheur. Cela reste la seule technique qui te permet de prendre le temps, d'observer la nature et le comportement des poissons. C'est un peu le yoga de la pêche.

 

NK St Lary

La mouche : le yoga de la pêche pour Benoît

 

  

nicolas : Sur toutes ces techniques que tu pratiques, quel est le charme que tu trouves à chacune d'elle ?

 

Benoît : Le quiver reste pour moi le moyen de passer une bonne journée au bord de l'eau avec des amis et de pouvoir se faire plaisir sur de beaux poissons tout en lézardant au soleil. Pour les carnassiers, le brochet me surprend toujours par ses attaques éclairs. Le sandre, mystérieux, me résiste et forcément ça m'attire. Le vairon n'a pas son pareil pour dénicher les grosses truites dans les fosses mais la mouche reste magique à mes yeux.

 

SAN 68 Indre Benoit 2004 (2)

 Le Sandre, poisson mystérieux pour Ben.

 

 Pour finir, la pêche aux leurres en mer est incomparable : des rochers, des courants, des vagues qui vous explosent dans les pieds et votre leurre qui surfe sous la vague. Je ne fais que débuter mais c'est toujours une surprise et une bonne dose d'adrénaline quand un bar vient happer votre leurre.

 

en-action-de-peche (2) Benoît sur la côte basque.

 

nicolas : Tu as commencé la pêche à la mouche avant moi. Comment as-tu appris cette technique ?

 

Benoît : J'ai commencé la pêche à la mouche à l'âge de 12 ans au Collège grâce à un professeur d'histoire  géographie qui entre midi et 14h donnait de son temps pour transmettre sa passion à 7 ou 8 collégiens. J'ai du attendre tout de même 1 an avant de prendre ma première truite fario sauvage en sèche, mauvais ferrage qui me poursuit quelques fois, mais merci tout de même à cette truite du Vicdessos (09).

 

nicolas : Qu'elles sont tes rivières favorites pour pêcher les salmonidés ?

 

Benoît : J'ai un faible pour les grandes rivières qui me permettent de dérouler ma soie et de me faire plasir à ferrer un poisson de l'autre côté de la rivière.

 gave

Ses rivières favorites : larges et majestueuses comme ici le gave de Pau 

 

 

nicolas : Tu dois partir sur une île déserte où coulent de nombreuses rivières. Tu ne dois emporter avec ton fouet que 3 mouches. Lesquelles prends-tu ?

 

Benoît : Bon, c'est presque la réalité que tu me présentes là . Mais sans les rivières . Bref, je choisirais un taon, un cul de canard et une nymphe couleur olive, comme çà je ne créverai pas la dalle !

 

3mouches

 Les 3 mouches préférées de Ben : Un CDC, une nymphe casqué olive, un taon.

 

nicolas : Quels sont ton meilleur et ton pire souvenir au bord de l'eau ?

 

Benoît : Là, c'est un peu une colle pour moi. Ayant la mémoire sélective et variable, je parlerai de ma première truite en sèche sur le Vicdessos. J'ai encore la mouche dans ma boîte et je serais capable de retrouver le poste où elle était quand elle est montée gober. J'ai passé plusieurs soirée sur cette rivière au bord du camping sans jamais prendre un poisson en surface, très mauvais ferreur ! Jusqu'au soir où enfin elle est montée et que je n'ai pas ferrer comme un taré. A ce moment là, j'ai compris comment faire, même si parfois j'oublie encore .

 

Le pire instant au bord de l'eau ? Aucun. C'est toujours un bon souvenir, à part quand je casse une canne.

 

TRF 50 Neste Benoît4 2003

Que de progrès accomplis depuis sa première truite en sèche, ci-dessus une truite de 50 cm 

 

nicolas : Quel est le poisson qui t'a donné le plus de plaisir ?

 

Benoît : un brochet pris sur le Loir près de Chateau-du-Loir. Les 3 heures à pêcher en barque avec papa, Romain et Jean-Michel furent un vrai plaisir. On a pris 3 brochets en l'espace de 45 minutes. Au mort-manié, je pensais être accroché au fond. Je titille. Je donne du fil. Je retitille pis mince ça commence à bouger d'un coup et à garder le fond. Je finis par remonter un magnifique brochet de 92 cm.

 

BRO 100 Vaas Benoit 2005 (2)

Benoît, excellent pêcheur de carnass, témoin ce broc de 1 mètre. 

 

nicolas : Tu travailles à l'ONEMA (anciennement CSP). De nombreux pêcheurs ne comprennent plus quelles sont les activités de cette structure. Peux-tu nous décrire les actions auxquelles tu participes et les principaux objectifs de tes missions ?

 

Benoît : Les pêcheurs ne comprennent pas que l'ONEMA ne fasse plus le même boulot que faisait le CSP, à savoir de la police de la pêche. Dorénavant, les domaines d'actions de l'ONEMA visent à protéger et étudier beaucoup plus le milieu en lui-même. Pour se faire, trois grands  axes s'articulent autour de mon métier : l'étude scientifique des milieux aquatiques, la surveillance de ses usagers (autres que les pêcheurs) et les conseils de gestion auprès des différents acteurs que sont les communes, les syndicats de rivière, les AAPPMMA ...

 

CAR .. Indre Benoit Un pécheur vraiment polyvalent !

 

nicolas : Tu possèdes également d'importantes compétences en matière de fonctionnement des milieux aquatiques et en matière de legislation. Selon toi, de quoi souffrent principalement nos cours d'eaux et la réglementation est-elle toujours respectée ?

 

Benoît : A chaque milieu correspond des nuisances, passées ou actuelles. Parmi elles, le remembrement a fait beaucoup de mal aux rivières de plaines. A une époque où la problématique était l'hydraulique, où l'eau devait s'écouler le plus vite possible, où les méandres n'avaient pas lieu d'être, nos pelleteuses s'en sont données à coeur joie. Résultat : adieu zones humides, adieu méandres, adieu poissons, bonjour la cata.

Pour les autres régions, les grands barrages et les microcentrales ont aussi fait beaucoup de mal. Certaines de ces perturbations persistent. Ajouter à celles-ci une mauvaise qualité des eaux et des problèmes de quantité d'eau, on a vite fait de perdre le potentiel piscicole.

 

 Un Ruisseau en Ariège benoît

Un bout de fil, une canne, de l'eau et ... Benoît n'est jamais très loin. 

 

Pour ce qui est de la réglementation, la problématique est bien trop vaste pour être abordée en quelques lignes. Certains la connaissent et l'acceptent, d'autres la connaissent et la réfutent, mais beaucoup de gens agissent par manque de connaissance, simplement en voulant bien faire, parce qu'on a toujours fait comme çà et que y a pas de raison que ça change. Entre tout ça, difficile de se glisser pour prêcher différemment.

 

 

Et bien merci Benoît de t'être preté au jeu de l'interview ............... et n'oubli pas que le week-end prochain tu vas prendre une bonne branlée aux canarss sur la Loire .

 

 

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22 octobre 2009 4 22 /10 /octobre /2009 20:35

Dans la série "une rivière, un pêcheur", j'ai souhaité ce mois ci vous présenter quelqu'un pour qui j'ai beaucoup d'admiration et d'estime : Jean-Luc CAZAUX, appelé aussi JLC. Ce n'est pas une surprise qu'il nous décrive ici l'Adour. Véritable amoureux de "sa" rivière, Jean-Luc la protège comme ses fils.

Technicien rivière, Président de l'AAPPMA de la Gaule Bigourdane (Bagnères-de-Bigorre), 2ème Vice-Président de la Fédération des Hautes-Pyrénées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique, Jean-Luc CAZAUX est impliqué de façon importante dans le monde halieutique associatif et professionnel. Je pense sincèrement que si l'Adour est si belle aujourd'hui, c'est avant tout grâce à lui. Son implication de tous les instants, ses compétences et connaissances, ses projets, ces luttes incessantes pour la protection de la rivière, sauvent quotidiennement l'Adour des agressions qu'elle aurait pu subir.



Jean-Luc doit beaucoup à l'Adour mais l'Adour doit énormément à Jean-Luc CAZAUX.


L'Adour, rivière chère à Jean-Luc CAZAUX



Monsieur CAZAUX, c'est à vous :

JLC :
Je m'appelle Jean-Luc CAZAUX, j'ai 48 ans et je suis Technicien Rivière. J'habite à Bagnères-de-Bigorre, lieu idéal pour mes loisirs que sont la pêche, la montagne et la photo. J'ai choisi de présenter l'Adour ou plutôt les Adours.

L'Adour est un des cinq plus grands fleuves de France. Dans sa partie amont, on trouve les Adours :

- l'Adour du Garret descend du pied du col du Bastan en passant par les lacs de la Hourquette, se mélange avec les eaux du lac d'Arrédoun, passe par le lac de Campana, Gréziolle et Caderolle puis forme de magnifiques cascades.


L'Adour du Garret


- l'Adour du Tourmalet, un peu tristounet avec sa traversée sous la station de ski de la Mongie,
- l'Adour d'Arrize, rapide comme l'éclair.

Les trois réunies forment l'Adour de Gripp, royaume de la fée électricité, tout comme l'Adour de Payolle qui rejoint l'Adour de Gripp à Sainte Marie de Campan.


L'Adour de Payolle, amputée par l'hydroélectricité

Sans oublier bien sûr un peu plus en aval, l'Adour de Lesponne, rivière encore naturelle qui est pour moi une référence. Bien sûr la pêche y est capricieuse, mais le milieu est tellement beau. Il arrive quelques fois de ne pas toucher un poisson sur deux sortie et la fois suivante du poisson partout. Aller savoir.

Toutes ces sources du domaine piscicole où règne dame fario est pour moi une raison de vivre.

Chaque année qui passe, je découvre de nouveaux paysages de ce fleuve torrentueux. J'ai la chance de pouvoir lui rendre visite souvent grâce à ma situation professionnelle. C'est un peu mon jardin. Si la partie entre Bagnères et Montagaillard n'a plus de secret pour moi (je connais le moindre méandre, courant, je dirai presque chaque bloc), l'Adour est cependant un torrent capricieux et les cailloux bougent beaucoup.


L'Adour entre Bagnères-de-Bigorre et Montgaillard

Je pourrai en parler sans arrêt de cette belle rivière, pardon, fleuve mais d'autres personnes l'ont déjà fait presque pour moi. J'ai eu le bonheur de rencontrer deux écrivains, qui m'ont demandé de les emmener et de leur faire visiter les sources de ce fleuve. Ils en ont fait chacun un ouvrage que je vous conseille fortement de lire si ce n'est pas déjà fait.

"Parlez-moi d'Adour" de Michel CARDOZZE et Jean-Bernard LAFFITTE.
"L'Adour de source en embouchure" de Jean-François HAMON.

J'ai la chance d'avoir un exemplaire dédicacé de ce dernier avec ces quelques mots :

"A Jean-Luc CAZAUX en partage de la volonté de valoriser ce fleuve"

ça donne chaud au coeur et envie d'aller plus loin.


L'Adour sous l'oeuil protecteur du Pic du Midi de Bigorre


nicolas65 : Jean-Luc, comment as-tu attrapé le virus de la pêche?

JLC : Dès l'âge de 10 ans, pour aller à l'école, je devais passer par le Pont de l'Adour. A cette époque il était rare qu'un pêcheur ne soit pas en action sur ce pont. A force de poser des questions à deux d'entre eux (Jésus SANS et Jean-Pierre TARRISAN) vieux pêcheurs de Bagnères, ils m'ont pris sous leurs ailes et m'ont offert ma première canne à pêche, ça y est le virus est pris et depuis n'a jamais guéri.

De cette époque, il me reste deux souvenirs inoubliables. Mes deux professeurs faisaient toujours en sorte d'être à proximité du pont au moment de la sortie des classes en fin d'après-midi. L'un des deux avait une deuxième canne à pêche en bandoulière pour moi. Ainsi je pouvais mettre un ou deux coups ligne après les cours.

L'autre souvenir qui va avec le premier, c'est que si les coups de lignes duraient trop longtemps, je voyais ma mère arriver sur le pont avec le redoutable martinet du père fouettard. Heureusement que de temps en temps, la vue de belles mouchetées mit la situation favorable en ma personne.


Jean-Luc sur un bras de l'Adour


nicolas65 : Tu pêches indifféremment au toc et à la mouche. Ces techniques sont-elles vraiment différentes l'une de l'autre ?

JLC : Oui et non. Je m'explique. La pêche au toc et à la nymphe au fil sont proches l'une de l'autre au niveau de la recherche du poisson et de la prospection des postes. Par contre la pêche en sèche demande une observation et une approche plus rigoureuse des postes. Elle demande également une bonne lecture de la rivière. Bien sûr il reste le côté visuel et personnellement je prends plus de plaisir sur un poisson pris en sèche avec une mouche que l'on a conçu soit même. Quel plaisir et quelle joie de berner un poisson que l'on voit gober ou qui nous surprend quand on pêche l'eau par absence de gobage.

Pour autant, je prends également plaisir à la pêche au toc qui reste ma technique de départ. Mais de nos jours la pêche au toc n'est plus la même qu'à l'époque de mes débuts. La technique a nettement changé. Je le vois quand je rencontre un pêcheur qui me dit sur un ton râleur "je n'ai rien touché, il n'y a plus rien". En jetant un coup d'oeil rapide sur sa ligne et son montage, souvent on comprend.


Pêche au toc sur l'Adour .. et record pour JLC : une fario de 69 cm !

nicolas65 : Quelles sont tes rivières favorites pour le toc et pour la mouche ?

JLC : Si je devais toutes les citer, on n'en finirait pas alors comme je suis un peu chauvin :
Pour le toc, bien sûr mes Adours mais également tous ses affluents. J'aime aussi partir sur les petits ruisseaux de montagne à une ou deux heures de marche, pour la solitude et le plaisir des yeux.

Pour la mouche, c'est sans aucun doute l'Arros. Cette rivière est magnifique et pleine de surprise pour cette technique. Je ne regrette qu'une chose, qu'elle ne soit pas sur mon territoire ! Je pêche aussi à la mouche l'Adour entre Bagnères et Tarbes.

Et bien entendu, j'aime partir quand je le peux sur les rivières des vallées pyrénéennes voisines, Gaves et Neste. Mais là, j'emmène le matériel des deux techniques.


Remise à l'eau du poisson, il les bichonne JLC "ses" truites !

nicolas65 : Tu dois partir sur une île déserte où coulent de nombreuses rivières. Tu ne dois emporter avec ton fouet que 3 mouches. Lesquelles pends-tu ?

JLC : Les trois plus simples, grâce auxquelles j'ai souvent évité la bredouille. Un palmer tricolore ou bicolore. Un sedge émergent. Une éphémère grise à corps jaune.

  
Mouches de JLC : sedge émergent, palmer tricolore, éphémère grise à corps jaune

nicolas65 : Quel est le poisson qui t'a donné le plus de plaisir et à quelle occasion ?

JLC : Chaque beau poisson que je prends me donne beaucoup de plaisir et d'émotion. Bien sûr il y en a un qui marque plus que les autres. En ce qui me concerne, c'est un que je n'ai pas eu mais qui m'a fait participer à un combat exceptionnel. C'était en lac de montagne, sur le secteur de Caderolle, en pêchant au vairon manié : une truite énorme et une bataille de plusieurs minutes qui semblait une éternité. Je ne l'ai vu que peu de temps mais je vous assure que cela suffit à faire jouer des castagnettes à vos genoux et vous faire perdre pendant un court moment toute synchronisation de mouvement.


Truite magnifique de l'Adour


nicolas65 : Tu es Président de La Gaule Bigourdane. Depuis combien de temps et pourquoi t'investis-tu dans l'AAPPMA de Bagnères-de-Bigorre ?

JLC : J'ai pris la Présidence de l'APPMA le 14 novembre 2005. J'ai considéré que cela était pour moi une obligation ou plutôt un devoir. J'ai rejoint l'AAPPMA à l'âge de 16 ans (il y a 32 ans) qui à l'époque correspondait avec la prise du permis complet aujourd'hui devenu carte majeur. A 21 ans, je suis assermenté garde particulier de l'association jusqu'à la prise de la Présidence.

Ensuite, les années 2001 à 2005 n'ont pas été très bonnes pour notre association : démission de président, remplacement pas nécessairement en faveur de notre AAPPMA, démission des membres du bureau les uns après les autres. Le déclin arrivait à grands pas. Je ne pouvais accepter et laisser faire cela. Je dois beaucoup à cette AAPPMA. C'est grâce à elle qu'aujourd'hui je suis en poste comme Technicien Rivière au sein de la Communauté de Communes de la Haute-Bigorre.


Jean-Luc, technicien rivière, sensibilise aussi les jeunes à la flore et faune aquatiques

Voilà mon choix est fait, je démissionne de la garderie particulière après 21 ans de service car on ne peut être juge et partie. Je prend la Présidence par intérim de 2006 à 2008. Puis je suis candidat et élu Président en 2008 lors des dernières élections.

En parallèle, avec l'accord de mon conseil d'administration de l'AAPPMA, je présente ma candidature à l'élection du conseil d'administration de la Fédération Départemental pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique au sein de laquelle je suis élu en tant que 2ème Vice-Président fédéral, responsable de la garderie fédérale, membre de la commission animation communication et membre de la commission Adour. J'ai ainsi attrapé un deuxième virus "gestion du loisir pêche et protection du milieu aquatique". Certain de mes collègues disent que quand je prendrai ma retraite, j'aurai les pieds palmés !

nicolas65 : Je sais que tu ne comptes pas le temps passé à ton investissement dans le monde halieutique associatif, mais pourrais-tu nous donner une estimation du temps que tu consacres à tes responsabilités au sein de l'AAPPMA et de la Fédération des Hautes-Pyrénées ?

JLC : Beaucoup. Le temps de la gestion prend le dessus sur le temps de la pratique. Si on veut qu'une AAPPMA fonctionne et évolue, il faut s'en occuper toute l'année. Il ne suffit pas de donner un grand coup avant l'ouverture pour se donner bonne figure. Il est loin le temps où le plus grand travail d'une association de pêche se limitait au déversement de truites surdensitaires et autres. Maintenant, de par ses statuts et son appellation, elle se doit de mener des actions de valorisation et de protection.


Jean-Luc et l'AAPPMA de la Gaule Bigourdane travaillent à la remise en eau du Canal de l'Oussouet


Désormais, avec mes responsabilités au niveau départemental, le temps est doublé, donc là aussi un choix à faire. Le temps de pratique, maintenant je le consacre à ma famille.

En moyenne, j'arrive à faire une douzaine de sortie entre le mois de mars et octobre. C'est en hiver que j'aurai le plus de temps, c'est pourquoi j'envisage de me mettre aux carnassiers (ou alors je braconne ).

nicolas65 : De part ton métier de Technicien Rivière, tu as l'avantage de connaître parfaitement les problématiques des cours d'eaux pyrénéens. Pour l'Adour par exemple, quelles sont les agressions que subit la rivière, les solutions qui fonctionnent et celles qui ne marchent pas ?

JLC : Ah cet Adour, je dirais presque mon Adour, elle en a subi des agressions. Certains ingénieurs fut un temps ont dit : pour qu'une rivière ne pose pas de problème, il faut que l'eau s'écoule le plus vite possible d'un point A à un point B. Alors on a canalisé, enroché, recalibré. Avec ce procédé on a détruit en partie l'Adour et le milieu qui va avec. En plus, les subventions pour ces travaux étaient faciles à obtenir.

Heureusement tout cela a changé dans l'entretien des cours d'eaux. Les mesures de protection des milieux aquatiques prennent une place importante dans les travaux en rivière. Le code de l'environnement, les SDAGE, SAGE et Arrêtés de protection de biotope sont là aujourd'hui, même si parfois il faut montrer les dents.


Sensibilisation des élus au fonctionnement d'une rivière et à ses problématiques


Bien sûr, il y a aussi la qualité de l'eau, mais là Nico je sais que tu y travailles et que l'on avance vite. Le gros point noir était l'absence de station d'épuration à Bagnères. Maintenant c'est réglé (sauf quand la conduite lâche ). Il reste encore du travail en amont, comme la station de ski de la Mongie. On a la chance d'avoir une rivière qui fonctionne bien au niveau de son système auto-épuratoire, mais il faut être vigilant.

Sinon actuellement, l'Adour subit une agression qui va être un dur combat de par la complexité des moyens de lutte : c'est l'invasion des espèces végétales envahissantes. La renouée du Japon et la Balsamine de l'Himalaya, véritables fléaux pour la biodiversité de nos cours d'eau.


JLC répertorie sur le terrain le développement des espèces indésirables et utilise un logiciel SIG pour suivre l'évolution du milieu aquatique

Une des solutions qui fonctionne c'est de redonner un équilibre naturel à l'Adour. Comme exemple, et c'est un peu ma fierté, c'est tout le travail réalisé sur l'Adour de Bagnères à Tarbes en collaboration avec le Contrat de Rivière du Haut-Adour. Redonner l'espace rivière par la remise en service de tous les réseaux secondaires en remettant fonctionnel tous les bras qui ont été déconnectés du lit principal suite aux nombreux recalibrages. Ces bras sont à la fois utile lors de crue mais également favorable à la reproduction de nos salmonidés. Redonner également son espace d'expansion de crue à l'Adour, grâce à la mise en place d'un espace de mobilité (c'est déjà en place sur le nord du département).
Tout cela semble facile, mais en réalité il y a souvent barrages où je dirai plutôt ralentisseurs que sont les activités humaines (agriculture, industrie, remembrement). 


Une tache de longue haleine pour Jean-Luc, remettre en service les réseaux secondaires de l'Adour

Moins on touche à la rivière, mieux elle fonctionne. L'entretien d'une rivière, ce n'est pas de la transformer en parc et jardin et encore moins en canal.


Surveillance des zones de débordement de l'Adour

J'ai aussi une crainte avec le développement de la micro électricité. On est dans une région favorable où les droits d'eau d'anciennes scieries et moulins sont nombreux.

nicolas65 : L'hydro-électricité, oui en effet, ce sera l'objet de mon prochain article... Je trouve que la gestion prônée par l'AAPPMA de la Gaule Bigourdane est pleine de bon sens même s'il y a encore des améliorations à apporter. En tant que Président, quels sont tes projets pour les années à venir ?

JLC : 1. Tout d'abord finaliser celui qui est en cours, c'est à dire la mise en place d'un Atelier Pêche Nature. Si on veut des jeunes pêcheurs, il faut aller les chercher, les initier à la pratique et surtout les sensibiliser aux milieux aquatiques. En plus, si j'arrive à créer un emploi, ça sera pour moi une manière de rendre à l'AAPPMA ce qu'elle a fait pour moi.

2. Continuer et améliorer la gestion patrimoniale de l'AAPPMA, valoriser toutes les actions et innovations qu'elle mène (caches à poisson, remise en eaux de canaux, aménagement du milieu piscicole...).


Les caches à poissons mises en place par l'AAPPMA. Ici une sous-berge de plus d'un mètre.


3. Participer à la mise en place d'une gestion intégrée et raisonnée sur le bassin de l'Adour, des sources au nord du département.

4. Favoriser la pêche et le tourisme pêche par la réciprocité (achat de terrain, droit d'eau,...).

5. Avec l'aide de la Fédération et du Contrat de Rivière, mettre en place une série d'études complémentaires sur la population piscicole de l'Adour et de ses affluents.

6. Participer à l'aide de mon conseil d'administration à toutes les actions en faveur de la pêche et de la proctection des milieux.



 

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22 avril 2009 3 22 /04 /avril /2009 13:40

DSCN2583Nouveau mois, nouvelle interview. Cette fois ci, j'ai décidé d'interviewer mon meilleur ami, celui avec lequel je partage de nombreuses passions. Nous nous voyons très souvent et il est rare que pendant nos visites mutuelles nous ne trempions pas un peu de fil dans l'eau, que ce soit en Ariège, dans les Hautes-Pyrénées, en première ou en seconde catégorie. Lors de nos sorties au bord de l'eau, je suis rarement bon du fait de soirées un peu trop arrosées où nous refaisons le monde halieutique. Je me souviens d'une ouverture carnassier où on ne s'était pas levé (forcément, on ne s'était pas couché ). Autant vous dire qu'une fois les cannes en place, on a bien roupillé.

 

 

 

nicolas65 : David, peux-tu te présenter ?

David : David GAILLARD, 30 ans, Calmont (31), Ingénierie des transports. Marié et papa depuis 5 ans. Pêcheur depuis toujours, moucheur depuis 10 ans, joueur de squash, ancien handballeur et amateur de foot. A raison d'une ou deux sorties par quinzaine, je ne consacre pas autant de temps que ce que je souhaiterais à pêcher.


                           David GAILLARD

nicolas65 : Tu habites à la limite de la Haute-Garonne et de l'Ariège, je suppose que tu vas nous décrire une rivière pyrénéenne ?

David : J'aurais pu choisir l'Arac, la plus préservée. Ce sera quand même l'Ariège que je fréquente le plus tout simplement parce qu'il ne me faut que 20 minutes pour accéder aux premiers secteurs intéressants de la partie aval. Le bassin versant de l'Ariège s'étend aux hauts sommets d'Andorre et comporte plusieurs grandes stations de sport d'hiver. La fonte des neiges peut se prolonger jusqu'en juillet. La vallée, dès Ax-les-Thermes est très industrialisée et la rivière souffre beaucoup de l'activité humaine en amont de Tarascon. A l'aval de Foix, l'Ariège enrichie par plusieurs affluents devient beaucoup plus large et abrite quelques beaux sujets qu'il faut savoir dénicher. Je ne m'aventure plus sur le secteur intermédiaire car c'est un modèle d'incohérence en terme de gestion de débit au barrage de Mercus qui génére également une accumulation de déchets ménagers hallucinante jusqu'au Pont du Diable.


                       
La basse Ariège

En amont de Tarascon, c'est une rivière bien peuplée mais compliquée à pêcher tout comme ses principaux affluents. Les éclosions et l'activité en surface sont très irrégulières. La récente mise en place d'un parcours no-kill en lieu et place d'une ancienne réserve sur la commune des Cabannes a donné un nouvel intérêt à ce secteur que je fréquentais de moins en moins.

 

                  L'Ariège dans sa partie amont                            Le Vicdessos, affluent de l'Ariège

En aval de Foix, c'est une toute autre pêche qu'il faut pratiquer, les truites sont plus rares mais bien plus grosses et les rencontres avec de très gros sujets sont fréquentes. Il faut les réperer, les pêcher et les repêcher avant de les prendres en nymphe ou en sèche pendant leur courte sortie quotidienne.

 
                    L'Ariège dans sa partie aval

nicolas65 : Chaque pêcheur a sa propre évolution, on commence généralement par pêcher les vairons et les ablettes au coup puis on dérive très vite vers d'autres techniques. Comment s'est passée cette évolution chez toi ?

David :
J'ai débuté comme la pluspart des gamins en pêchant au coup dans les bottes de mon père sur le Cher. J'ai découvert la truite sur les lâchers de surdensitaires de la rivière du coin au ver de terre. Ado, j'ai eu une grande période carpe avec quelques belles parties de pêche. Je ne pêchais la truite et le carnassier qu'au lancer. C'est l'époque où l'on déroge aux enseignements paternels pour utiliser les techniques qui nous plaisent vraiment jusqu'à ce qu'un beau jour d'ouverture, on prenne plus de truites avec le fameux et incournable rappala vairon qu'avec le bouchon et le lombric du Papa.


J'ai débuté la mouche et le montage vers 20 ans en me faisant la main sur tout ce qui pouvait potentiellement gober sur la Garonne à Agen où je faisais un stage sur la remontée des Aloses. J'y ai d'ailleurs tenté ce poisson mais surtout fait connaissance avec les Pyrénées les week-end sur la Neste entre Lortet et Arreau. Ensuite, la progression dans la technique s'est faite doucement au fil des saisons de pêche dans le Morvan puis dans les Pyrénées.                           

Aujourd'hui je pêche la truite exclusivement à la mouche en no-kill même si je n'en fait pas un cheval de bataille auprès des autres pêcheurs. Après avoir longtemps consacré l'ouverture de la truite à la pêche au vairon mort manié et le reste de la saison au fouet avec une technique approximative, je peux dire sans rougir que c'est bien toi Nico qui m'a poussé à progresser jusqu'à aujourd'hui. 
                                                  
                                                                               David et moi sur les rivières pyrénéennes


nicolas65 : Qu'est ce qui t'a amené à la pêche à la mouche ?

David :
Nous étions tellement dingues à 18 ans que nous allions pêcher les truites de la Boivre (86) au lancer en laissant dériver d'énormes mouches de mai vivantes sur des hameçons n°6 lors de spectaculaires éclosions. Il m'était aussi arrivé de prendre des truites sur la Dive (79) avec des sauterelles. Je crois qu'historiquement le point de départ se trouve là puisque l'année suivante nous achetions nos premières cannes à mouche (une Marty  9 pieds soie 4/5 personnellement).

Nos débuts à la mouche sur  le Plateau de Millevaches


nicolas65 : Je me rappelle en effet ces éclosions monstrueuses de mouches de mai et nous deux en train de courrir après . Qu'elles sont tes rivières favorites pour la mouche et quelle est ta technique de prédilection ?

David :
Pour faire de belles parties de pêche en sèche sur de belles éclosions, même si les poissons sont de petites tailles, je dirais l'Arac sans hésitation. Pour traquer les grosses truites en nymphe à vue, l'Ariège dans sa partie aval.


                            David et une fario de 64 cm

nicolas65 : Tu dois partir sur une île déserte où coulent de nombreuses rivières, tu ne dois emporter avec ton fouet que 3 mouches, lesquelles prends-tu ?

David :
Une Devaux A4 si je ne me trompe pas de référence (araignée grise à corps jaune, claire), un palmer noir à deux hackles et une pheasant tail lestée.


 
 Les 3 mouches de David : Araignée grise à corps jaune (haut-gauche), palmer noir (haut-droit)

et pheasant tail casquée (bas)


nicolas65 : Si tu ne devais retenir qu'une image, une séquence de ta vie de pêcheur, laquelle serait-elle ?

David :
Il y en a beaucoup et les plus récentes viennent forcément effacer les plus anciennes mais je pense que le premier départ de carpe avec le bruit du frein qui dérouille... cela fait partie des expériences qui donnent envie de progresser.

nicolas65 : Qu'elle a été pour toi la journée la plus cauchemardesque au bord de l'eau ?

David :
C'est celle où tu arrives au bord de l'eau sans ta canne et qu'après avoir fait l'aller-retour en quatrième vitesse, les emmerdes continuent sur la rivière jusqu'à ce que tu perdes une truite de 50 parce que tu n'es pas assez concentré.

                                             En sèche sur la basse Ariège

nicolas65 :

Tu sais ce que je regrette ? C'est qu'on n'ait pas réussi à prendre cette truite monstrueuse (elle faisait environ 80 cm) que nous avions vu sur un Lac de Montagne du Néouvielle. D'après toi, que nous a-t-il manqué ce jour là ?


David :
C'était il y a 5 ans, probablement l'expérience de ce genre de rencontre avec des poissons patients et opportunistes qui ne sortent qu'une ou deux heures dans la journée pour se remplir l'estomac.

 

                                                         Les compères sur l'Adour

nicolas65 : Nous parlons souvent ensemble des aggressions que subissent les cours d'eaux. Si tu avais les pleins pouvoir, que ferais-tu ?

David :
Il n'y a pas 50 mesures à prendre pour changer radicalement la donne.

1. Mettre fin aux épandages de pesticides et autres phytosanitaires. C'est également indispensable pour notre santé.

2. Obliger EDF à démanteler les ouvrages inutiles et à réguler intelligemment les débits et la température de l'eau.

3. L'éthique, le no-kill, la discipline viennent en dernier car cela ne suffirait pas à résoudre le problème posé essentiellement par la dégradation du milieu aquatique. Nous devrions même pouvoir prélever raisonnablement dans une rivière bien gérée et saine. La loutre revient en fanfare sur le bassin versant de l'Arac tout simplement parce que cette rivière est préservée et que sa productivité permet à cette espèce de s'y installer. Cela ne nous empêche pas d'y prendre beaucoup de truites.

 
                         
Sur l'Aude                                                                    Sur Le San

nicolas65 :
Tu es papa d'un petit Enzo depuis 4 ans déjà, je suis persuadé qu'un jour il trainera ses waders à nos côtés. Quelles valeurs halieutiques aimerais-tu lui transmettre ?


David :

D'ici 10 ans, ce qui m'importera, ce n'est pas de lui apprendre quoi pêcher et comment le pêcher, mais plutôt de respecter les rivières. Si nous avons inversé la tendance d'ici là, s'il peut encore apprécier le spectacle d'une éclosion, ce sera déjà une victoire.

 
                                        Enzo GAILLARD, mon filleul et futur moucheur (j'espère !)

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27 mars 2009 5 27 /03 /mars /2009 11:00

J'ai créer la catégorie "Une Rivière, un pêcheur" afin de vous faire découvrir des amis moucheurs et leurs rivières favorites sous forme d'interview. Nous avons tous à apprendre de l'autre et l'échange est primordial pour progresser.

Pour cette première, quoi de plus normal que de demander à Laurent de me donner la réplique. Moniteur-Guide de Pêche Mouche et Lancer, Laurent est d'une gentillesse et d'une patience incroyable. On a tous un mentor. Pour moi, c'est lui. Laurent m'a fait découvrir la pêche à la mouche. Il m'a tout appris. Je dirais même qu'il ma formé. Dans la gestuelle du lancer, sur le matériel, sur le montage des mouches, en sèche, en noyée, en nymphe au fil, au streamer. Sans retenue, il m'a fait découvrir les meilleurs coins de Haute-Corrèze.

Bon, j'ai assez parlé. A toi mon Lolo. Qu'as-tu donc dans ton panier ?

Laurent : Je m'appelle Laurent BUSSER, j'ai 34 ans. Je suis (depuis peu) technicien de laboratoire. J'habite Beaulieu sur Loire dans le Loiret (commune frontalière avec la Nièvre et le Cher). J'aime la Pêche bien entendu et mes autres loisirs sont anecdotiques. Je pêche tout ce que je peux à la mouche. Le fait d'habiter en bord de Loire, loin des premières catégories, m'a ouvert d'autres horizons. Je teste donc tous les poissons blancs bien sûrs, les Blacks-Bass, Brochets, Perches...

                                              
                                                                     Laurent BUSSER

Nicolas65 : Quelle rivière nous présentes-tu ?

Laurent : 
La Luzège ! Cette rivière moyenne qui serpente en Haute Corrèze. C'est un affluent de la Dordogne. Tu la connais bien également ! J'ai beaucoup de souvenir sur ce cours d'eau. C'est vraiment l'endroit où j'aime me retrouver "seul au monde". Même quand je partage les Gorges avec un ou deux amis, c'est toujours des moments particuliers, où l'on a l'impression d'avoir la rivière à nous. Côté poissons, elle abrite une bonne densité de truites de tailles correctes pour la Corrèze (20-30cm). Des truites de 35 à 40 cm ne sont pas rares. C'est une des rares rivières Corréziennes où l'on arrive à prendre régulièrement des poissons à vue.

                                                   
                                                                        La Luzège (19), petit paradis paisible de Haute Corrèze             
                                                                            

Nicolas65 : Cette rivière est vraiment magnifique, certainement également ma préférée de Haute Corrèze. Laurent, comment as-tu attrapé le virus de la pêche ?

Laurent :
Je devais déjà l'avoir tout petit car apparemment, je regardais pendant des heures mon grand père pêcher dans un étang proche de chez moi. Un oncle m'a ensuite amené à découvrir la pêche des carnassiers. La prise de la première truite sur la Sioule a fait le reste quand à ma contamination définitive.

Nicolas65 : Depuis combien de temps pêches-tu à la mouche ?

Laurent :
Depuis bientôt 20 ans ! Oh la vache, çà fait drôle de dire çà ...

Nicolas65 : Quelles sont tes rivières favorites pour la palm ?

Laurent :
Je prend beaucoup de plaisir sur la Sioule, les rivières de Haute Corrèze, la Dordogne et les rivières Bretonnes comme le Léguer et le Trieux. J'ai fait des séjours fantastiques sur le Verdon, découvert des densités de truites astronomiques sur la Thur en Alsace. Une de mes dernières découvertes, c'est la Roya dans le 06 à la frontière Italienne : les poissons paraissent suspendus dans ses eaux limpides. Surréaliste... Je commence à découvrir les rivières du Morvan. C'est l'Yonne qui m'a donné les meilleurs résultats pour l'instant.Certains coins du Morvan ressemblent beaucoup à la Corrèze. Bien sûr la Neste, Le Gave de Pau et la plupart des rivières des Pyrénées que tu m'as fait découvrir me font rêver même si je ne viens pas souvent les pêcher.

                                             
                                       La Sioule (63), une rivière où Laurent a pris sa première fario

Nicolas65 : Décris nous brièvement le matériel que tu utilises ?

Laurent :
Pour la Truite et l'Ombre j'utilise une canne Z-Axis 10 pieds soie de 4 presque partout. J'aime les cannes assez grandes même en petite rivière. Pour moi, c'est beaucoup plus facile de présenter une mouche proprement sans avoir beaucoup de soie sur l'eau. Les soies que j'utilise sont une WF 4 et une DT 3. J'ai depuis longtemps un moulinet Loop graphite qui me suit partout et je viens d'acquérir un Vivarelli. Mes bas de ligne sont du type dégressif classique en Maxima ou Kamoufil. En pointe, j'utilise du Frog Air.

Pour les Perches, Blacks, j'ai une canne Loop 9 pieds soie 5-6 avec des soies WF6 flottantes et pointe plongeantes. Pour le brochet, j'ai une Orvis Power Matrix 9 pieds soie de 8 et une Jacky Boileau 9,2 pieds soie 8-9 avec des soies WF8 Bass Bug (fuseau très décentré pour l'envoi de gros streamer), flottante, pointe plongeante, et plongeante type S3. Côté bas de ligne, c'est court et gros : 2 mètres maxi, un seul brin de 60/100 et avançon acier.

                                                     
                                       Sur la Dodorgne, une rivière mythique et pleine de souvenirs pour Laurent

Nicolas65 : Tu dois partir sur une île déserte où coulent de nombreuses rivières, tu ne dois emporter avec ton fouet que 3 mouches. Lesquelles prends-tu ?

Laurent : Dur ! Pour survivre, je prendrais une sèche, un streamer et une nymphe pour palier à toutes les situations. Sinon mes préférences iraient vers une imitation de terrestres type fourmi, une araignée d'ensemble type grise à corps jaune et une nymphe pheasant tail orange, du classique mais des valeurs sûres !

                                
Haut gauche : fourmi, Haut droite : grise à coprs jaune, Bas gauche : pheasant tail casquée, bas droite : pheasant tail tête orange 

Nicolas65 : Tu sais bien qu'à la pêche parfois tout va bien mais quelques fois c'est la grosse mémerde, décris nous ta pire journée de poisse au bord de l'eau ?

Laurent : Ma première sortie en Corrèze près de Neuvic. J'ai voulu aller pêcher la Triouzoune fin avril. Je suis allé dans les Gorges que je découvrais. Après environ 500 m de descente, j'ai remonté la rivière sur 1 ou 2 km en pêchant. Il se faisait tard, le ciel s'assombrissait. J'ai eu la bonne idée de vouloir couper en travers de la pente pour rejoindre la voiture au lieu de redescendre la rivière pour reprendre mon chemin. La nuit est tombée. Je me suis retrouvé à quatre pattes dans la pente sous une forêt de résineux dans le noir complet à tâter en aveugle pour trouver une sortie. Je n'ai jamais retrouvé la voiture ce soir là ! J'ai réussi à rentrer à pied au village dans la nuit (environ 8 km) et un ami m'a ramené à ma voiture le lendemain. Grand moment de solitude ...

Nicolas65 : ça c'est assez énorme . A l'inverse quel est ton meilleur souvenir ?

Laurent : J'ai beaucoup de bon souvenir liés à l'accompagnement de groupes, souvent des jeunes, quand je travaillais - à un moment avec un certain Nicolas CARATY - à la Maison de l'Eau et de la Pêche de la Corrèze. J'ai le souvenir de joies indescriptibles données par une première truite, même petite, prise à la mouche confectionnée par les jeunes eux-mêmes pendant le séjour.

Nicolas65 : Quel est le poisson qui t'a donné le plus de plaisir ?

Laurent : Récemment, un beau brochet est venu engamé mon streamer 20 cm sous la surface et du même coup m'a arraché la soie des mains. L'eau était claire. Je l'ai vu arriver d'au moins 2 mètres latéralement à mon leurre. Mon coeur a du s'arrêter de battre. Ce combat magnifique fut suivi ... d'une casse. C'est le souvenir récent qui me vient le premier. Depuis, j'arrête de finasser pour le broc !

                                                     
                                                                Laurent en prise avec un beau broc

Nicolas65 : Je sais que tu participes au Championnat de France de Pêche à la Mouche depuis de nombreuses années. Qu'est ce qui t'a amené à faire de la compétition ?

Laurent : J'ai du faire 4 ans de promo nationale et ce sera ma 4ème année de Deuxième Division en 2009. Depuis que j'ai arrêté de travailler dans le monde de la pêche, c'est une façon pour moi de rester dans le bain, de continuer d'échanger avec d'autres moucheurs de tous horizons, de progresser et enfin de découvrir de nouvelles rivières.

                                               
                                                      Elle fait du bien la première la prise en compet  !

Nicolas65 : Tu es en D2 division Nord et je crois savoir que cette année les compétitions pour ce championnat se déroule le 25-26 avril sur le Lignon (43) et le 13-14 juin 2009 sur l'Ance du Nord (42/43/63). Connais-tu ces rivières ? Quels sont tes objectifs ?

Laurent : Je connais le Lignon. J'aime bien ce type de rivière typique du massif central. Je vais découvrir l'Ance du Nord. Mes objectifs ? Gagner bien sûr ! Et tu as intérêt à faire pareil en D2 sud car on a rendez-vous en D1 !

                                                                                    

Nicolas65 : Que faut-il pour être un bon compétiteur ?


Laurent  :
Je crois qu'il faut garder son plaisir, son sens de l'eau, ses qualités de pêcheur et ses valeurs. Ces derniers , selon moi, ne doivent pas être dominés par la "compète à tout prix ". Un compétiteur doit ensuite progresser en vitesse, déplacement, approche. Il faut ensuite gagner de l'assurance sur toutes les techniques de pêche, s'adapter rapidement à toutes les conditions. La persévérance me paraît être une qualité essentielle. Même quand tout s'écroule, que la rivière paraît morte, que les poissons loupés s'enchainent, les gamelles, les casses...il faut pêcher jusqu'à la dernière minute et dominer l'envie de "tout balancer".
C'est ma façon de voir, mais je ne suis sûrement pas une référence en matière de compétition.
                                                
                                                  
Garder ses valeurs en compétition est primordial pour Laurent : remise à l'eau respectueuse du poisson sur Le Fier


Nicolas65 : Et bien merci Lolo d'avoir répondu avec sincérité. Je viens encore d'apprendre grâce à tes réponses pleines de bon sens. Tu es évidemment attendu avec impatience dans les Pyrénées avec le gros  ! 


 


                          Neste et Gave : elles te manquent pas trop Laurent nos rivières des Pyrénées ?

 

   

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  • Attiré depuis tout petit vers la surface de l'eau, je n'ai cessé de chercher à ce qu'il y avait en dessous. Cette pensée m'obsède toujours. Ainsi c'est au bord de l'eau que je me ressource, pour percer ce mystère.
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